Premier réveil, premier rêve, dernière litière, dernier aurevoir

Deuil en cours
Texte rédigé initialement le 10 février 2023, le premier vendredi suivant le décès de Clément.

Vendredi matin, je me réveille et une vague de tristesse m’assaille. Je pense d’abord que le poids de chaque réveil qui m’éloigne du moment où il était encore en vie rend plus tangible son départ. Puis, pendant que j’entends mon conjoint se préparer pour aller au boulot, je me rends compte que je viens de rêver de Clément pour la première fois depuis sa mort! Dans mon rêve, il était encore vivant et je le tenais dans mes bras. Je cherchais un endroit où le déposer pour que je puisse profiter d’une fête, un endroit où il serait en sécurité pour ne pas qu’il se blesse ou se perde dans le lieu inconnu où nous étions. Ni mauvais, ni très agréable comme rêve, juste moi qui cherchait à protéger mon bébé chat de ses tendances aventureuses…

Ça fait mal, mais ça fait aussi du bien. Il fallait une première fois et elle est passée! D’ailleurs, depuis lundi, s’enchaînent les premières fois dans la vie sans Clément. Première douche, première partie de Backgammon, première fois que je me suis préparée un repas, première nuit, premier réveil, première épicerie livrée, premier rêve de Clément, première journée de télétravail sans lui, premier nettoyage de vaisselle, et je ne les compte plus, ce qui ne m’empêche pas de les remarquer dès qu’elles surviennent. Comme si ce n’était pas assez de traverser toutes ces premières fois, il y a les dernières fois à vivre également. Dernière litière à nettoyer, dernière visite à la boutique où nous achetions sa bouffe et où nous avons ramené les sacs que nous venions de lui acheter, dernière fois que je vide ses bols d’eau trop vieux, mais cette fois-ci, je ne les remplirai plus… et il m’en reste quelques-unes à exécuter encore. Ce n’est pas pour rien que le deuil est un processus dont le meilleur allié demeure le temps.

Rien ne m’avait préparé à vivre ces moments difficiles maintenant, bien que j’ai toujours su que le temps de Clément parmi nous était compté. J’avais souvent envisagé qu’un jour cela surviendrait, mais je dois admettre que lorsque j’y ai songé dans les derniers mois, je n’arrivais plus du tout à m’imaginer sans lui. Depuis que nous l’avions adopté bébé, seul survivant de sa portée après le décès de sa maman, j’ai pensé plusieurs fois à comment il pourrait nous être enlevé – accident, disparition, intoxication, maladie. De la situation soudaine et totalement imprévue à celle où la détérioration se ferait progressivement, de le trouver déjà mort à le trouver souffrant en piteux état, à le voir dépérir lentement.

Au final, aucune des situations envisagées ne correspond à la réalité vécue, celle de constater un changement soudain dans son état et de découvrir en très peu de temps que son état était très détérioré, avec peu d’espoir pour s’accrocher. Je confesse que j’avais peu envisagé être confrontée au choix de l’euthanasie. L’une des seules fois où je m’étais interrogée sur le sujet, c’était dans la dernière année et je ne suis pas arrivée pas à répondre à la question : si Clément se mettait à vieillir perceptiblement et à décliner, à quel moment j’envisagerais l’euthanasie pour abréger ses souffrances ?

Il y avait bien des signes dernièrement, des signes de vieillissement que je pensais, d’autres que j’avais observé sans penser qu’ils pouvaient être significatifs. Tout compte fait, en ignorant son état dégradé, je me dis que ces derniers mois ont été passé tranquillement à la maison, entourés de nous, plus que si nous l’avions amené chez le vétérinaire lorsque ces signes se sont mis à s’accumuler. Et sans savoir l’étendue finale des dégâts, il est impossible à savoir s’il aurait eu une meilleure qualité de vie et une espérance de vie un peu plus longue si nous avions débuté des traitements…

Rien n’empêche que j’aimerais remonter le temps et au moins penser à faire une recherche sur la quantité d’eau normalement bu par un chat ou encore sur les pupilles qui ne se rétractent plus. J’aimerais juste pouvoir faire une petite chose différente dans les derniers mois, que ce soit une recherche d’information ou juste l’étouffer encore plus de câlins et de caresses ou encore penser à lui apporter un ruban quand nous sommes partis de la maison pour le rejoindre une dernière fois. Juste un petit détail, si seulement je pouvais changer juste un petit détail, mais c’est trop tard.

Les conjectures n’apportent rien qu’on dit. Moi, je trouve que ça ne sert à rien de tenter de m’empêcher d’y penser, parce qu’elles reviendront simplement plus tard. Aussi bien les laisser traverser mon esprit, les considérer lorsqu’elles me viennent, et espérer que cela aidera à lâcher prise… éventuellement. Néanmoins, pour l’instant, regrets, déceptions et culpabilité se mêlent aux chagrins, à l’amertume et à la beauté de quinze ans d’amour. Un mélange qui n’est pas toujours facile à digérer. Tant bien que mal, j’avance et je découvre mon existence dorénavant sans mon chaton adoré.

Une réponse à « Premier réveil, premier rêve, dernière litière, dernier aurevoir »

  1. […] fois à lui, des rêves plus ou moins agréables. Partagé dans un de mes tous premiers textes (Premier réveil, premier rêve…), le premier rêve, du moins le premier dont je me suis rappellée au réveil, incluant Clément […]

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