Coincée dans la boucle des derniers moments de Clément-roi

Deuil en cours
Ce texte a été particulièrement difficile à rédiger comme il retrace les événements ayant mené au repos final de mon doux Clément. Il risque d’être difficile à lire aussi et il est plus long que les autres (lecture de 15 minutes environ). Soyez prévenu-e-s!

Deux semaines depuis les événements. Deux semaines et chaque matin est encore difficile sans compter que les journées de dimanche et lundi sont particulièrement ardus, comme elles ravivent le souvenir de nos derniers moments avec Clément. Ces événements me reviennent en boucle : du constat de son état anormal en après-midi dimanche, suivi de la course folle et de l’attente au centre vétérinaire, à nos aurevoirs déchirants dans les petites heures du matin lundi pour finir sur les heures tortueuses du choc initial.

Aujourd’hui, c’est dimanche et je me suis levée en pleurs d’un mauvais rêve où Clément était en vie, mais en piètre état et la vétérinaire nous annonçait que nous ne pouvions rien faire pour lui. J’ai réussi à me rendormir après, mais chaque réveil suivant ce rêve était brutal! Depuis, je me traîne péniblement, d’une crise de larmes à une autre ; je fais les cent pas comme un lion en cage, assaillie par des questions sans réponses et des doutes.

Pourquoi maintenant ? La fin janvier a été super occupée pour moi au boulot et j’avais peu d’énergie à donner à Clément à la maison. Lorsque nous sommes revenus à la maison après avoir laissé Clément hospitalisé, c’était ces pensées qui me rongeaient. Pourquoi maintenant, quand je n’ai pas pu lui donner toute l’attention et l’énergie que je pouvais lui donner, quand j’avais le plus besoin de lui, quand je n’avais pas pu pleinement profiter de sa présence et de son affection ? Je voulais plus de temps avec lui, même si ce n’était que quelques jours. À ce point, j’aurais pris n’importe quelle durée de temps supplémentaire… mais bon, force est d’admettre que peu importe le délai qui nous aurait été accordé, il aurait toujours été trop court. Quelques semaines de plus, six mois ou un an de plus, ça aurait toujours été trop court, surtout qu’après avoir célébré son 15e anniversaire depuis son arrivée dans notre vie, j’avais commencé à espérer que nous avions encore plusieurs belles années devant nous. Pour la première fois depuis que nous l’avions adopté, j’osais franchement espérer qu’il atteigne vingt ans, voire plus… Alors, quand cet espoir s’est éteint au fur et à mesure que les résulats des tests s’empilaient, je n’étais plus que douleur et désespoir.

Le pire est qu’en rédigeant mon bilan de 2022, exercice que je fais annuellement depuis plusieurs années, j’ai eu un pressentiment que 2023 me réservait une mauvaise surprise, comme le départ d’un être cher… mais je ne voulais pas croire que ce soit Clément et jamais je n’aurais cru que cela survienne aussi tôt durant l’année! Oui, il était tranquille dans les dernières semaines, mais pas plus qu’un autre hiver. Il était toujours plus calme en hiver. Et il montait et descendait du lit, sans problème, tous les jours. Il faisait ses exercices avec mon conjoint le matin (ou plutôt gênait les exercices de mon conjoint, ce petit chenapan!). Il utilisait sa litière, buvait de l’eau, mangeait, jouait, courait quelques fois par jour, passait la majeure partie de ses soirées avec nous devant la télévision à voler notre place dès que nous nous levions. Les deux seules choses qui m’inquiétaient dans les dernières semaines étaient le nouvel abcès qui était apparu à la base d’une de ses oreilles et qui avait percé, mais avait finalement bien guéri et disparu ainsi que ses pupilles qui, j’avais remarqué depuis quelques temps, ne semblait plus se rétracter et qui paraissait encore plus dilatés en janvier que dans les mois précédents.

Comme j’avais remarqué ce dernier point récemment et que je n’avais pas eu le temps d’y penser beaucoup, je n’avais pas poussé de recherches sur ce dernier sujet. Est-ce que cela aurait changé quelque chose au final ? Nous ne le saurons jamais… et ce n’est pas le point! J’aurais juste voulu y penser lors de notre dernier samedi soir avec notre beau Clément, pour réagir peut-être plus vite, car samedi soir, il avait commencé à agir hors caractère.

En effet, à un point en début de soirée où nous étions tous les trois dans le salon devant la télévision, Clément assis sur le pouf nous faisant face, il a lâché deux petits miaulements piteux. J’avais remarqué la veille qu’il avait froid, rappellez-vous la vague de froid glacial qui nous submergeait à ce moment, la fin de semaine du 4 février 2023, et je pensais qu’il miaulait pour cela. Je l’ai pris dans mes bras pour l’emmitoufler, mais au lieu de ça, il est devenu mou comme de la guenille et s’est effouaré sur moi. Il est resté comme ça un bon moment. Je le flattais et lui soufflais des mots doux, ne comprenant pas trop pourquoi il agissait ainsi. Après cela, je l’ai couché sur le divan dans une couverture et continué mes trucs.

Puis, mon conjoint s’est couché et Clément avait finalement décidé de terminer la soirée dans le lit. Moi, comme à mon habitude, je veillais tard et je m’étais installée dans la pièce jaune du fond, où mon bébé chat et moi avions établi un nid douillet pour nos heures de lecture et d’écriture. Je ne me souviens pas de l’heure, mais je commençais à penser à aller me coucher, vers minuit environ, quand Clément est venu me joindre soudainement. En soi, cela arrivait rarement que Clément venait me joindre si tard, s’il n’était pas déjà venu plus tôt, mais il y avait plus étrange dans sa visite tardive. Dans la façon dont il a sauté sur le futon, il y avait un quelque chose de désespéré dans son langage corporel que je ne comprenais pas. Peut-être si j’avais repensé à ses petits cris douloureux du début de la soirée, j’aurais compris que quelque chose n’allait pas… Au lieu de cela, j’étais contente qu’il me rejoigne, bien que je lui ai dit que je comptais aller dormir bientôt. Il s’est couché en boule à mes pieds et j’ai continué de lire un peu.

Quand je me suis levée, je l’ai pris dans mes bras et l’ai apporté au lit avec moi. Bien qu’il était tard, je n’arrivais pas à m’endormir et j’étais donc réveillée quand Clément s’est soudain levé pour vomir sur le plancher. Encore là, pas totalement hors de l’ordinaire et ce n’était même pas arrivé fréquemment dernièrement, toutefois, sa réaction après était totalement anormal. En effet, mon fidèle compagnon s’est laissé choir à côté de son vomi et il respirait avec un léger bruit. Je me suis tout de suite inquiétée, en plus le sol était très froid, alors, je l’ai ramassé et remis sur le lit. J’ai commencé à le flatter et le cajoler pour le calmer, mais sa respiration demeurait laborieuse. Son petit nez semblait sec, j’ai trempé mes doigts dans l’eau pour essayer de le faire boire. J’ai failli réveiller mon conjoint à ce moment-là. Toutefois, au bout de quelques tentatives et de multiplications de démonstrations affectueuses de ma part, Clément s’est mis à ronronner et sa respiration semblait s’être calmée. J’ai attendu un peu et puis, je me suis recouchée. Ça m’a pris un moment, mais j’ai réussi à m’endormir. Avoir repensé à mes deux observations au cours de la soirée, j’aurais sans doute réveiller mon conjoint. Cependant, je conçois que nous n’aurions peut-être pas apporté Clément à l’urgence le soir même. Clément n’avait pas été un chat très malade durant ses quinze ans d’existence, à peine de petits éternuements occasionnels et parfois, un peu de boitage, nous aurions peut-être attendu le matin, pour voir si la crise passait d’elle-même.

Et sur le coup, au matin, il semblait aller mieux en effet et résumait ses activités habituelles. Jusqu’à ce que vers la fin de l’avant-midi, il commence à avoir de la difficulté à nouveau. Il se levait pour faire quelque chose, puis se recouchait aussitôt. Le moindre effort semblait lui coûter. Nous l’avons finalement recouché sur le lit, emmailloté, et il ronronnait et semblait se calmer. Nous sommes sortis brièvement pour faire de petites emplettes et au retour, notre chat si accueillant en général n’a pas réagi. Cela lui arrivait des fois, donc, pas suffisamment inquiétant. Mon conjoint est finalement ressorti pour aller assister à la course de canots de glace et je suis restée à la maison. C’est en le visitant un peu plus tard que j’ai constaté qu’il restait prostré sur le lit, mais qu’il semblait visiblement respirer rapidement. Pourtant, je savais qu’il n’avait pas bougé depuis quelques heures. Alerte maximum!

J’ai fait une recherche rapide sur le Web sur la respiration rapide chez le chat et bon, je suis convaincue de devoir consulter pour notre vieux bébé chat adoré. Néanmoins, dimanche oblige, urgence ou pas, c’était la question! Avant de trancher, j’ai appelé mon conjoint pour l’aviser de l’état de Clément et que j’allais appeler des vétérinaires. Une clinique régulière était ouverte ce dimanche, j’ai appelé là en premier, mais bien sûr, pas de rendez-vous avant le lendemain, rappeler demain qu’on m’a dit. Attendre ou pas, je n’étais pas sûre. Une chance, le centre vétérinaire d’urgence de Québec offre un service de téléconsultation. J’ai pris rendez-vous et reçu un appel immédiatement. En répondant aux questions et en faisant une vérification à laquelle je n’avais pas pensé (gencive très pâle), je me fais conseiller de l’amener sans tarder au centre vétérinaire. J’ai rappelé mon conjoint pour lui dire de rentrer à la maison pour que nous puissions conduire Clément à l’urgence, imaginez mon soulagement quand il m’a confirmé être déjà en chemin! Cependant, nous ignorions que nous étions sur le point de vivre les dernières douze heures de vie de notre chaton…

La dernière balade de Clément

En panique, j’ai préparé une boîte avec une couverture, un peu de bouffe et une bouteille d’eau pour lui, et j’ai choisi un jouet pour qu’il ait un peu de la maison avec lui. Je cherchais Tenzen désespérement, le petit renard roux que nous avons ramené de l’île-du-Prince-Édouard il y a quelques années et que Clément avait adopté, mais je ne le trouvais pas. J’ai cherché Paula, le toutou ours polaire que je lui avais offert à Noël vers la même année que Tenzen est arrivée chez nous, mais je ne la trouvais pas. Finalement, c’est Iconiki, la petite licorne rose, que j’ai apporté, oubliant que Clément avait une relation ambigue avec cette peluche, bien qu’avec le temps, il l’avait accepté…

Nous avons embarqué Clément et pris la route dans des conditions de route absolument dégueulasses, de la neige gadoueuse couvrant la chaussée. Dans la voiture, néanmoins, un peu d’espoir surgit, Clément sortait de sa torpeur, regardant tout autour de lui, fasciné, curieux, et voulant sortir de la boîte! J’avais choisi la boîte en me disant que mon chaton était tellement amorphe que je n’avais pas besoin de prendre une boîte haute… Ah! C’était mal connaître l’intarissable curiosité de ce félin! Le voir actif me rasséréna ; peut-être que nous nous déplacions pour rien.

Au centre vétérinaire, nous nous sommes inscrits et, pendant ce temps, Clément voulait se promener sur le comptoir de la réception. Mon conjoint l’a pris dans ses bras, le chat avait l’air si confortable, si confiant. Dans la salle d’attente, un chien jappait fort, mais Clément restait composé et calme, curieux, assis dans sa boîte, attentif, entre mon conjoint et moi. Son calme m’impressionnait et c’est là que j’ai pu prendre la pleine mesure de la confiance que Clément nous accordait. Il était loin du chaton terrifié du vétérinaire dont je me souvenais…

Nous n’avons pas attendu longtemps pour passer le triage, une seule personne était devant nous. Le triage a soufflé les petits espoirs qui s’étaient construits en moi ; son rythme cardiaque et sa température étaient plus bas que normal. Ils le prenaient en charge le plus rapidement possible. Ma peur d’une insuffisance cardiaque semblait fonder… À partir de ce moment, la spirale de l’attente, de l’anxiété et des mauvaises nouvelles a commencé à nous aspirer. Lorsque la vétérinaire nous a enfin rencontrés, elle a d’abord proposé une prise de sang et nous a fait part qu’un rein semblait anormal. Les résultats sont sortis assez vites, il était en anémie et on constatait une insuffisance rénale, mais cela n’expliquait pas sa respiration rapide.

À ce stade, il était clair que Clément passait les prochains 24 heures au centre vétérinaire. Du moins, nous espérions qu’il survivrait jusque là. Nous avons fait et défait le plan de match pour cette hospitalisation, évaluant les coûts et les traitements. Enfin, nous pouvions rentrer à la maison, toutefois, nous refusions de partir avant de revoir Clément. Il était mou, mais encore curieux. Nous l’avons cajolé, rassuré comme nous pouvions, murmuré notre affection, bref câliné tout plein et avons remis Iconiki à la technicienne. Le coeur lourd, nous rentrions à la maison sans notre boule de poils préféré, espérant pouvoir le ramener le lendemain ou surlendemain, sachant toutefois que son espérance de vie s’était soudainement grandement raccourcie. L’attente et l’anxiété se poursuivaient.

Peu après le retour à la maisono, les résultats de la radiographie thoracique sont sorties, de l’eau dans les poumons! Comme aucune trace d’infection n’était décellée, tout pointait vers une insuffisance cardiaque et/ou un cancer. Plus de tests sanguins suggérés pour tenter d’identifier la cause, les résultats nous sont divulgués, et tout était positif! Évidemment, pas positif dans le sens où nous le souhaitions. Un médicament pour le coeur semblait être la meilleure solution pour voir si son état pouvait être stabilisé, nous avons opté pour cela après moult réflexions. À ce point-là, vers 23 heures ce dimanche soir, je souhaitais juste revoir mon chat et le ramener au bercail, quitte à le faire euthanasier à la maison… Les prognostics pour le rétablissement d’une qualité de vie de quelques mois étaient rendus tellement faibles, surtout que les problèmes de coeur et de rein jouait l’un contre l’autre. L’hydratation qui aide les reins nuirait au coeur, une transfusion sanguine pour aider le coeur nuirait aux reins… Bref, un jeu à somme nulle qu’on dirait en théorie économique, surtout que l’ombre d’un possible cancer se précisait de plus en plus. Mon coeur saignait, d’apprendre qu’il était si mal en point, qu’il luttait contre tellement de conditions adverses et que je ne pouvais rien faire de plus que de prendre des décisions avec mon conjoint et la vétérinaire et d’espérer que cela l’aide.

Le déversement de larmes, qui ne s’est pas tari depuis, a commencé après ce dernier appel avec la vétérinaire qui avait pris en charge Clément. Nous ne recevrions pas d’autres appels avant le matin à moins que la situation se détériore. Mon conjoint s’est couché peu après, en fait, il se préparait à se coucher quand l’appel que nous attendions impatiemment était finalement entré. Moi, je suis restée debout un instant et j’ai écrit dans mon journal papier mes peurs, mes souhaits, mon amour pour mon Mément chéri. Quand je me suis couchée passé minuit, le sommeil refusait de venir, bien entendu, et les pensées noires m’enveloppaient. Je ne sais comment, mais je suis parvenue à m’endormir, bien que ce ne fut pas pour longtemps.

L’appel fatidique est entré vers 3h30. Quand j’ai vu l’heure sur mon cellulaire en l’agrippant pour répondre, je savais déjà que les nouvelles n’étaient pas bonnes. Il était toujours vivant, mais sa condition se détériorait rapidement. La vétérinaire de garde a mentionné qu’un soluté pourrait le stabiliser, mais que ce traitement posait un risque sérieux de causer une surcharge pour son petit coeur. J’ai refusé le soluté, je ne pouvais assumer le risque qu’il meurt sans nous et je craignais à ce point que même si on stabilisait son état, ce ne serait que pour prolonger sa souffrance et reporter la décision de le laisser partir. Mon conjoint se réveillait pendant que j’assurais à la vétérinaire que nous arrivions dans un maximum d’une heure. La réaction de cette dernière quand j’ai dit une heure m’a indiqué qu’elle ne pensait pas que Clément tiendrait le coup si longtemps. Ça ne nous a pas pris une heure, comme mon conjoint s’est réveillé rapidement et nous avons sauté dans la voiture sans tarder, apportant avec nous quelques-uns des compagnons préférés de Clément.

Je m’arrête là pour l’instant, je m’attaquerai au détail de l’euthanasie et des heures qui ont suivies une autre fois, c’est déjà beaucoup de ressasser en détail les dernières vingt-quatre heures que nous avons passé avec Clément. Ce n’est pas facile de revivre cela, et cela peut paraître masochiste de ma part que de m’adonner à l’exercice. Cependant, je n’ai pas l’intention d’oublier les derniers moments de vie de mon chaton d’amour et les consigner ainsi m’assure de les conserver. Toutefois, j’espère surtout qu’en l’écrivant, cela atténue la violence de leurs réminescences et m’aide à faire la paix un jour avec cette série d’événements ayant mené à la fin de mon précieux ami à poil.

Une réponse à « Coincée dans la boucle des derniers moments de Clément-roi »

  1. […] douloureuses depuis la mort de bébé chat. Je sais qu’écrire et publier le texte relatant les dernières heures de notre chat avant son euthanasie m’a libéré quelque peu des sombres réminescences qui me hantaient. Pas que j’ai […]

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