Écrire les possibles, vivre avec l’impossible

Deuil en cours (et assez cru, soyez doublement prévenu-e-s)

Force est d’admettre qu’il y a encore des moments où le décès de Clément me paraît inconcevable. Mort, mon vieux chaton adoré, voyons, quelle plaisanterie de mauvais goût! Sachez que mon chat est fait fort, c’est un battant, il résiste à la détérioration du temps et aux intempéries !… Et pourtant, je ne doute pas de la réalité des faits. J’ai vu, j’ai touché à son corps mou et inerte. J’ai contemplé ses yeux ouverts à jamais sur le vide. Je sais bien qu’il n’est plus avec nous, mais en même temps, il est partout autour de nous.

Je m’emmitoufle dans les jetés que je partageais, plus ou moins volontairement, avec lui. Je salue tous les jours les peluches qui lui tenaient compagnie. Je pense à lui à chaque boucher de céréales que j’avale. J’arpente les lieux qu’il habitait de son imposante présence. Je m’assois là où il traînait bien souvent. Je dors dans le lit que nous partageions avec lui presque toutes les nuits. Je marche sur les tapis sur lesquels il se tenait pour éloigner ses pattes sensibles du plancher glacial et sur lesquels il a passé tellement de temps à se prélasser. J’utilise des assiettes et des bols dans lesquels il a parfois mangé ou lappé quelques gouttes de lait. Ses poils se trouvent encore sur tout plein d’articles de la maison. J’en ai même trouvé dans le souper que je me suis préparée il y a quelques soirs seulement, peut-être un des derniers qui parviendra dans notre bouffe…

Je le sens ainsi à mes côtés tous les jours. C’est très fort encore, malgré le fait que je ne peux plus le serrer dans mes bras. Que je ne m’enfarge plus sur son petit corps qui se promène entre nos jambes. Que je ne peux plus frotter son nez tout mignon. Que son regard souvent sceptique est à jamais fixé sur image. Que je ne sens plus sa chaleur rassurante irradiée à travers les couverture. Que je n’ai plus à m’assurer qu’il ait de l’eau fraîche à sa disposition. Que je ne peux plus oublier de vérifier le niveau de nourriture de sa gamelle. Que je n’ai plus à faire sa litière. Je partageais d’ailleurs à une de mes collègues de travail dernièrement le fait que je m’ennuie même de nettoyer sa litière et c’est absolument vrai! Je prendrais un autre dix ans à sortir des blocs de litière à moitié agglomérée pour être avec mon Clément encore! Je ne peux pas. Je ne peux plus.

Alors, je profite de ce qui me reste de sa présence, de mes nombreux souvenirs, du réconfort que m’apporte l’usage des nombreux objets que nous avons partagés avec lui, des tonnes de photos et de vidéos que nous avons prises et j’emmagasine tout l’amour que je lui porte. J’essaie bien de transposer mon amour en mots, mais je ne pense pas que les mots suffisent à extraire tout ce qu’il m’inspire toujours. Parfois, je lui dis encore, que je l’aime, quoi que cela m’a pris quelques jours avant d’arriver à m’adresser à lui directement sans sa présence physique.

Avant de commencer à écrire ce texte, je me trouvais très zen et relax. J’avais déjà écrit un peu et peaufiné quelques textes, je me sentais rassérénée et puis, j’ai jeté l’admission qui introduit ce texte sur le clavier et une vague de tristesse chargée de larmes m’a fouetté en pleine face. Comme quoi le calme n’était qu’en surface, en-dessous, tout est encore bien tumultueux. Et c’est correct ainsi. C’est correct d’avoir des moments paisibles et mêmes agréables. C’est correct de troubler ces moments en extirpant la tempête qui se cache dans ma tête. C’est correct que l’écriture me remue les intérieurs et me revire à l’envers quelques fois. Ça fait partie de ce que je vis, de ce que je dois vivre et de ce que l’écriture m’apporte. L’écriture m’aide à exprimer ma douleur, à comprendre ce que je vis, à me remémorer ce que Clément a été et ce qu’il nous a apporté, et à ne pas suffoquer sous la pression de son absence… J’écris à tous les jours depuis le premier texte que j’ai rédigé après sa mort, dont le brouillon date du 8 février. J’écris tellement que tout n’atterrira pas sur le Web. Ma conseillère m’a recommandé de continuer à écrire et je n’avais pas vraiment besoin d’encouragement, je sais bien à quel point ça m’est vital d’écrire!

Tant que les larmes coulent et ne s’assèchent pas, je continuerai ainsi à chercher les mots qui m’apaisent ; ceux qui libèrent mon chagrin ; ceux qui expriment ma rage ; ceux qui transmettent toute mon affection. Jusqu’à ce que je trouve les mots qui soulageront ma douleur.

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