Deuil en cours
Je n’ai pas encore osé écrire sur certaines choses bien que j’ai abordé toutes sortes de détails, d’actions et de réactions survenus depuis le début de mon deuil de mon chat adorée et je constate que chaque aspect que j’aborde à l’écrit, qu’il soit publié ici ou juste écrit pour moi personnellement, m’aide à traverser les étapes et à libérer ma tête des idées qui y traînent. Malgré cela, il y a des choses que j’ai sciemment laissé de côté… Pourquoi ? Peut-être simplement parce que certaines réalisations me font honte et que j’arrive plus facilement à partager mes autres émotions et sentiments… Toutefois, ces pensées reviennent suffisamment régulièrement me hanter. Alors qui sait ? Les écrire allégera peut-être le poids qui pèse sur mes épaules.
Voilà, je me lance et j’adresse un sujet aujourd’hui que j’ai effleuré au passage ici et là, sans plus, mes observations des mois ayant précédé le drame. Je me demande à quel point j’ai senti venir la fin de mon rouquin préféré sans reconnaître ce qui s’en venait ou sans vouloir le reconnaître. Depuis sa mort, s’amoncellent les observations, les questionnements et me reviennent les sentiments qui m’ont habité dans les mois précédents l’événement. Déni, aveuglement volontaire, ignorance, manque d’information, je ne saurais me prononcer sur ce qui m’a empêché d’y voir plus clair avant. Peut-être que d’ici la fin de ce texte, j’aurais trouvé une réponse sur cette question. Probablement que non.
Où commencer ? Je ne sais plus ce que j’ai remarqué en premier entre ce qui me paraissait une augmentation de sa consommation d’eau quotidienne et les pipis hors de la litière. Pas qu’il urinait toujours ou même souvent hors de la litière, juste assez régulièrement. Si ça m’avait inquiété au début, quelques ajustements plus tard et quelques observations semblaient indiquer plus une réaction comportementale qu’un possible problème de santé. Une lumière pour la nuit semblait l’aider à trouver sa litière la nuit et les étangs de pipi coïncidaient souvent avec une litière due pour être changée. Qui plus est, j’avais remarqué à quelques occasions que Clément était dans la litière quand il urinait à l’extérieur. En fait, il se tenait dos à l’entrée de la litière et il visait trop haut, donc le liquide sortait au lieu de s’agglutiner dans la litière. Inquiétude relativement remisée !
Cependant, je pensais aussi avoir perçu que son urine sentait moins fort… encore là, une explication raisonnable n’était pas loin, nous avions récemment acheté une nouvelle litière, et j’entends ici le contenant et non le contenu, et jeté l’ancienne que nous avions depuis qu’il était entré dans notre demeure. L’urine de chat étant tellement concentrée qu’à l’usage, je me suis dit que l’odeur pénétrait même le plastique éraflé. Voilà un questionnement qui paraissait élucidé !
Nous surveillions également sa bosse à l’intérieur de l’oreille qui grossissait par moment avant de réduire en taille à nouveau et perçait parfois. J’avais fait quelques recherches à ce sujet au fil des ans, car ce n’était pas une apparition récente, mais n’avait rien trouvé qui semblait correspondre… un doute restant flottant. J’ai réalisé après coup que je n’utilisais pas le bon terme pour chercher et je pense que l’abcès était lié à un des problèmes de santé détecté lors des tests que Clément a passé. Pas un grand moment de fierté pour moi de réaliser cela…
Depuis que bébé chat avait atteint l’âge de dix ans environ, je vérifiais fréquemment l’état de sa vision. Il était devenu un peu plus prudent pour certaines manoeuvres et je concevais que les sens s’émoussent avec l’âge pour les félins comme pour les humains. Il semblait avoir un oeil dont la vision périphérique était moins bonne, rien de dramatique. Toutefois, dans le dernier mois ou deux, je commençais à m’interroger sur le fait que ses pupilles ne semblaient plus ou à peine se rétracter. Surtout vers la fin, je trouvais que ses pupilles semblaient s’être dilatés au-delà de ce qui semblait normal. Ce détail m’inquiétait grandement, bien que je ne pensais pas que ce soit nécessairement un signe de fin de vie, plus un signe de perte totale de vision… Je n’ai pas eu le temps de pousser mes recherches là-dessus, tout a déboulé rapidement.
J’avais noté également que Clément passait plus de temps dans la même pièce. Comme le matin, il ne se levait pas nécessairement quand je me levais et restait couché au lit plusieurs heures après ma sortie. C’est certain que mon conjoint avait repris l’habitude de s’étirer et de faire quelques exercices le matin très tôt, avant mon réveil, et que notre adorable chaton aimait y participer. Après la fin de la séance, il revenait donc se coucher au lit. En plus du fait que nous étions en hiver et que le roi de nos coeurs était toujours plus calme, quelque peu en mode hibernation, durant cette saison combiné au fait qu’il n’était pas le félin le plus routinier, cela ne semblait pas particulièrement exceptionnelle. Peut-être tout juste un signe qu’il accusait un coup de vieillesse.
Il semblait un peu plus grincheux et irritable, en plus de tout cela, je l’avais constaté en janvier. Encore là, cependant, cela semblait lier au vieillissement. Tellement de personnes deviennent plus irascibles en avançant en âge, pourquoi pas Clément qui avait déjà un petit côté grincheux ?
Mis ensemble après la mort de notre petit souverain, j’ai constaté qu’une tendance se dessinait, une tendance que j’aurais peut-être pu relever si j’avais consigné avec soin ces observations variées sur la santé et le comportement de Clément-chou. Moi qui pourtant dresse tant de listes, qui organise régulièrement mes idées et mes pensées par écrit, n’a jamais eu l’idée avant qu’il ne soit trop tard de tenir un carnet de santé pour mon chaton vieillissant. Je ne dis pas que cela aurait tout changé, que nous aurions nécessairement consulté le vétérinaire l’été ou l’automne passé. Seulement peut-être que j’aurais compris plus tôt que quelque chose n’allait vraiment pas ce malheureux week-end où tout a été chamboulé. À tout le moins, nous aurions pu utiliser ces informations précises pour orienter la vétérinaire au début de la consultation. J’aurais aimé pensé à cette idée toute simple lorsque Clément a atteint le vénérable âge de dix ans. C’est inutile maintenant, du moins, pour mon gentil chaton.
À travers cela, il y a des choses que j’ai ressenties depuis l’automne que je ne peux m’empêcher de lier avec la silencieuse dégradation de l’état de santé de Clément. Je ressentais une profonde frustation de la fin septembre environ à décembre. Bien que je pouvais identifier certaines causes à l’origine de ce sentiment, comme l’impression de stagner dans mes projets créatifs, il semblait manquer quelque chose au portrait dressé, quelque chose sur lequel je ne pouvais poser le doigt. Puis, au tournant de l’année, pendant que je faisais mon bilan 2022, j’ai eu le pressentiment qu’un drame me guettait pour la nouvelle année. Pourtant, j’avait plutôt tendance à anticiper une année prolifique et heureuse pour 2023. J’ai chassé cette ombre du revers de la main presqu’aussi rapidement qu’elle est apparue.
Toutefois, c’est peu après qu’un vent d’inquiétude a déferlé sur moi, inquiétude sur le vieillissement visible de Clément. Comme mentionné ci-dessous, je ne pensais pas que sa mort approchait à grand pas, mais je sentais qu’il faudrait le surveiller de près et apporter plusieurs ajustements pour rendre plus comfortable son quotidien. Tout de même, il y a eu ce moment, lorsque nous sommes partis de la maison pour un court week-end de visite hors de la ville à la mi-janvier, où la crainte que quelque chose survienne à bébé chat durant notre absence m’a étouffé. J’ai hésité un instant à partir, mais bon, j’étais très stressée à cause de la surcharge de travail qui m’attendait au bureau, j’avais eu une longue semaine, j’étais anxieuse, cette crainte était plus que probablement infondée! Et comme défaite, nous sommes revenus à la maison à un Clément tout heureux de nous retrouver se comportant selon ses habitudes.
Alors, je m’interroge : est-ce que j’ai senti au fond de moi ce qui se tramait pour Clément ? Est-ce mon intuition qui a nourri la frustration, puis l’inquiétude, suivie de l’angoisse ? Ou est-ce que mes réactions étaient seulement dues à mes propres anxiétés et que ce n’est que cirsconstances que ces pressentiments se sont réalisés en début février ? Je ne pense pas jamais trouvé de réponses satisfaisantes. Tout ce que je sais c’est que j’étais très proche de Clément, nous avions une relation plutôt symbiotique. Je me rendais bien compte qu’il démontrait des signes de son âge avancé et je gardais l’oeil ouvert, pensant que des changements majeurs nous préviendraient le temps venu lorsque sa santé se détériorerait. Finalement, les altérations furent minimes et espacées, de sorte que nous n’avons pas vu venir la tragédie.
Combien de fois me suis-je dit depuis son décès à quel point Clément était fort et vaillant ! Il luttait contre tellement plus que ce que nous pensions et n’en laissait si peu paraître. Des fois, je me dis qu’il était trop fort pour son propre bien. Montrer sa vulnérabilité est la force qui est requise dans certaines situations…
Malgré tout, je reconnais que sa fin était inévitable qu’elle soit arrivée en début février cet année ou dans un an, ou encore deux ans, elle se serait produite peu importe ce que nous aurions pu faire. Nous aurions dû y faire face à un moment ou à un autre et, au bout d’un peu plus de quinze ans, ce n’est quand même pas rien! Mais quelques semaines de plus, quelques minutes de plus, auraient tout de même été appréciées. Ainsi, je ne peux m’empêcher de me perdre par moment dans les dédales des possibles, de ce que nous aurions dû être capable de réaliser, de ce que nous aurions dû considérer, de ce que nous aurions pu poser comme geste. J’espère néanmoins que finalement adresser ces points par l’écriture m’aide à m’ancrer dans le présent, dans ce qui a été et fut, pour que je puisse me tourner plus facilement vers ce qui sera… sans Clément.




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