La trappe du « Comment ça va? »

Deuil en cours
Cela fait un moment que je n’ai pas fait le point de comment je me sens en général. Alors, en bref, mes yeux sont la majeure partie du temps sec, bien qu’ils s’humectent encore à tous les jours quelques fois. Je retrouve de plus en plus le plaisir de faire des choses en passant du temps en bonne compagnie, en écrivant et en partageant sur ce blog mes fragments de souvenirs de Clément et mes impressions sur mon deuil, mais aussi en écumant la blogosphère et en découvrant pleins de gens formidables ! Cependant, est-ce que je vais bien pour autant ? Je ne sais pas, ces derniers temps, je me sens un peu décalée. Parfois, je perds de vue le chagrin, mais je ne me sens pourtant pas heureuse. Non pas qu’il n’y ait pas des petites joies dans ma vie de tous les jours, seulement ces moments sont comme des radeaux flottant sur un océan d’incertitude surplombé d’un ciel mélancolique. Je rencontre peut-être une nouvelle forme de tristesse qui m’était jusqu’alors inconnue. Ou bien, je deviens apathique, traversant une insensibilité passagère causée par une incapacité momentanée de gérer le trop-plein émotionnel….

Dans cette situation, comment répondre à l’usuelle formule de politesse « Comment ça va ? » quand je ne sais trop ce que je ressens en ce moment ? Je me rappelle avoir lu et entendu de multiples témoignages de personnes vivant un deuil ou une dépression dans les dernières années sur cette formule du langage quotidien qui paraît si bénigne et qui semble inviter à une réponse honnête, tandis qu’en fait, la personne questionnant s’attend toujours à la même variation de réponse. Ça va. Ça va bien! Ça va super trop bien!!!! Beaucoup d’encre a déjà coulé sur le sujet, mais j’ai envie d’aborder la question quand même pour ajouter un peu de mon vécu.

Dans la première semaine suivant son décès, il m’était aisé de répondre que ça n’allait pas en réponse à l’éternelle « ça va? » posé par amis, collègues et membre de ma famille. Cependant, je me suis vite aperçue que ce n’est pas tout le monde qui est prêt à accueillir une réponse aussi franche, bien que j’ai la chance de compter sur beaucoup de personnes de mon entourage qui m’ont compris et écouté. À partir de la deuxième semaine, j’ai senti que ma réponse devait évoluer un peu, puis d’un côté, c’était vrai qu’il y avait beaucoup de progrès, du moins, beaucoup physiquement et un brin mentalement. La réponse est devenu un « ça va pas si pire », ou encore un « ça va correct », donné sur un ton manquant un peu de conviction. Ça laissait la porte entr’ouverte aux gens qui veulent creuser, et aux autres, c’était suffisant pour éviter la pause maladroite qui suit parfois la réponse trop vive. Au fil du temps, c’est devenu simplement « ça va » ou « ça va correct », avec une touche ambivalente… Ça a été trop facile de revenir à une réponse semi-automatique à cette question quotidienne. La vérité était autre, je basculais encore la majorité du temps entre un « ça ne va pas du tout » et « ça ira mieux un jour ».

Entre la réponse-réflexe et la réponse plus véridique, et surtout plus difficile à supporter, il existe une myriade de tonalités, d’expressions à insérer et de livraisons qui maquille la situation réellement vécue par la personne qui répond. Depuis peu, en fait surtout depuis ma semaine de vacances, j’arrive à répondre « ça va » sans avoir l’impression de plonger mes sentiments dans un goufre d’hypocrisie dont le fond n’est pas visible de la surface. Ça ne va pas fantastiquement, ça ne va pas vraiment bien, ça va juste correct, sans plus, assez pour qu’un « ça va » passe. Cependant, peut-être est-ce que cela contribue à ce que je sois un peu confuse sur mon état en ce moment. Peut-être est-ce que je devrais revenir à une formulation plus ambivalente, moins convaincante. Genre je file un mauvais coton et j’en ai des mètres et des mètres à filer encore, ne vous inquiétez pas pour moi, mais soyez indulgents, je vous prie !

Là-dessus, j’en profite pour remercier les personnes qui sont présentes pour moi depuis le début de cette épreuve, qui accueillent ma souffrance, qui m’accompagnent dans la mesure de ce qu’elles peuvent offrir. Vous vous reconnaissez, j’ose espérer. Merci beaucoup beaucoup beaucoup ! Je veux vous dire que ça ne prend pas grand-chose pour que je ressente votre soutien et votre bienveillance à mon égard. Un simple coucou, un appel, un partage de souvenir, ou juste de lire mes mots ici sont autant d’actions qui me touchent énormément et qui contribuent à mon cheminement dans ce deuil. Je pense que Clément serait content de savoir que je ne me sens pas (trop) seule depuis son décès grâce à vous tous!

Cela dit, je trouve cela difficile de naviguer dans les eaux troubles de cette période du deuil. Je suis rendue à ce point où je dirais que plusieurs personnes autour de moi semblent avoir épuisé leur patience ou leur intérêt pour ce que je vis pourtant toujours. Ce qui me pousse à m’interroger sur la durée socialement acceptable d’un deuil pour un animal de compagnie. Pas la durée normale ou moyenne, pas la durée saine – qui varie grandement d’une personne à l’autre, selon la personnalité et la relation avec l’animal décédé, non, je me demande quelle est la durée que la majorité des gens trouvent raisonnables et acceptables. Une semaine semblerait un peu court, mais plus d’un mois semble paraître long pour bien des gens, alors, quelque part entre les deux ?

Comprenons-nous bien, je ne pense pas que la durée de mon deuil est déraisonnable ou que la tristesse qui continue de m’habiter est anormale! Compte tenu de qui je suis, de comment je vis les choses en général, de ma relation tissée serrée avec mon vieux chaton, de la période de l’année, et de la soudaineté de son départ, je sais que j’en ai encore pour un bout à appréhender ce deuil. J’ai juste l’impression d’être de plus en plus isolée, d’avoir moins d’opportunité d’échanger sur ce que je vis, comment je me sens, ou sur ce qui me fait sangloter encore fréquemment. D’un côté, j’aimerais préciser que je ne sens pas le besoin de constamment étaler ma douleur et mon chagrin à tout va. De l’autre, j’aimerais pouvoir continuer d’admettre quand je me sens triste ou démotivée, ainsi que quand je trouve le quotidien plutôt lourd. Au lieu de cela, je remise en bonne partie ce qui me traverse…

Au moins, j’ai l’écriture, mon blog, et les gens les plus proches de moi qui m’écoutent encore au besoin. Je ne suis pas isolée, juste un peu plus seule qu’au début, avec l’impression d’être jugée si je continue d’en parler ouvertement. Cela fait que je m’ennuie encore plus de mon Mément, tant il était un confident idéal, qui ne jugeait pas, accueillait ce que je vivais et m’accompagnait à travers discrètement, mais toujours solidement!

Ça fera bientôt deux mois que je sanglote régulièrement, que je m’extirpe souvent avec peine du lit et que les choses que j’aime me paraissent légèrement affadies. Au moins, le goût d’écrire et de partager photos ainsi que textes sur mon blog me motive à avancer. En toute franchise, je passerais la majorité de mon temps à écrire et travailler sur mon blog… le manque de temps me frustre un peu, ce qui ajoute parfois à mon désarroi. Mais bon, il n’y a pas non plus de remède miracle à un deuil et l’écriture ne résoudra pas tout. Je dois vivre ce que j’ai à vivre, pas moyen de l’éviter ou plutôt, il vaut mieux ne pas tenter de le contourner. Alors, je continue. Un jour à la fois, moment par moment, de souvenir en souvenir, et surtout, avec beaucoup d’amour. D’amour pour Clément, pour mes proches et aussi pour vous chers lecteurs, chères lectrices !

5 réponses à « La trappe du « Comment ça va? » »

  1. Je ne puis que comprendre ce que tu ressens, ayant perdu dans ma vie de nombreux chats, j’ai 75 balais et j’ai des chats depuis mes 20 ans. J’ai aussi perdu un chien, un magnifique Border collie en août 2021 et un an et demi après je le pleure toujours, je ne peux pas regarder de photos de lui sans tomber en larmes, je rêve de lui, il me manque certains jours à en crever… alors je comprends. Merci de ‘être abonnée à mon espace. Clément était un très beau chat roux, comme ma Poppy actuelle. Courage, le temps doucement fermera tes blessures et pansera tes peines mais je sais que cela peut être long.

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    1. Merci pour la compassion et pour le partage, Marie !

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  2. Ça fait plus de 2 ans que mon Flanel a fermé ses beaux verts verts et très souvent je lui parle en passant devant sa petite tombe dans le jardin. Quand il est parti, j’ai ouvert un cahier, où, en plus du blog, je lui parlais quotidiennement, Nos petits secrets et nos connivences continuaient ainsi.
    Bon courage. 🐈‍⬛

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    1. C’est vrai que je peux quand même me confier à Clément, d’une certaine façon. Je garde cela en tête. Merci du soutien, chatvoyageur!

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  3. je n’ai pas le mots . je pense à toi , à vous .

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