Tranche de Miaougraphie
Écrire pour ne pas oublier. Ne pas oublier comment Clément aimait courir d’un bout à l’autre de l’appartement, même s’il courait moins fréquemment dans les dernières années, il continuait à faire l’exercice quelques fois par semaine. Ne pas oublier comment il avait appris à contrôler ses virages pour éviter les dérapages, la plupart du temps. Oh, se souvenir de ses dérapes quasi-quotidiennes sur le plancher de bois flottant dans les premières années que nous avons vécu dans notre demeure actuelle. Une chance qu’il était un chat avec sa constitution solide parce qu’il a frappé des coins de murs et de meubles si souvent, et parfois assez durement.
C’était un plaisir, quelques fois douloureux, que de le voir sprinter. Pour accourir à la porte quand nous rentrions à la maison. Pour vérifier ce qui se tramait dans la cuisine. Pour attraper une mouche bourdonnante. Pour poursuivre une balle bondissante. Pour annoncer qu’il venait de sortir de la litière. Ou juste pour aucune raison apparente. Il y a quelque chose de spécial et d’unique dans la cohabitation avec un être vivant indépendant de nous et avec lequel nous ne pouvons parfaitement communiquer. Un je-ne-sais-quoi mystérieux, élusif, qui nous réserve toujours des surprises au détour.
Penser à bébé chat qui court et chasse qui sait quoi à travers l’appartement me rappelle que durant une période de sa vie, entre ses trois et dix ans environ, Clément pourchassait les ombres. Ça n’arrivait pas quotidiennement ; les conditions idéales à la chasse aux ombres n’étaient pas toujours rassemblées. Ça prend tout de même un certain éclairage vif, mais très diffus. Néanmoins, quand les conditions étaient réunies, c’était très divertissant que de faire fuir mon ombre sous ses moustaches ! La première fois qu’il a tenté de saisir une de nos ombres au passage, je dois admettre que cela m’a pris un moment avant de comprendre ce qu’il lui prennait. Je pensais qu’un petit insecte, une mouche, avait attiré son attention comme Mément bondissait ici et là, atterrissant avec les pattes croisées au-dessus d’un point sur le plancher, sur le mur. Puis, en bougeant, causant ainsi le déplacement de mon ombre, j’ai compris que notre cher chaton tentait d’attraper mon ombre ! Je savais que les chats étaient susceptibles à poursuivre un faisceau de lumière concentré, laser ou réflexion lumineuse comme d’un phare de voiture découpant les ombres ; Clément s’y ait d’ailleurs prêté à quelques reprises. Cependant, je n’avais jamais considéré que l’inverse, concentration d’ombre mouvante dans un espace lumineux, captiverait son attention.
C’était un jeu très simple, qui ne prenait pas grand-chose, et durant lequel il y avait peu de risque qu’une griffe ou une dent nous accroche, et ça me faisait bouger un peu aussi. Hop, levé un bras, Clément sautait contre le mur. Bougé les doigts, et Clément tentait d’attraper chacun, l’un après l’autre, sans succès. Cela ne le décourageait pas. Le jeu cessait soit parce que je me tannais avant le chat, que l’éclairage changeait et rendait les ombres trop indistinctes ou que Clément faisait le lien entre mes mouvements et l’ombre et changeait de cible. Je me ravise quelque peu : ce nest pas si simple, car savoir trouvé les bons mouvements qui sauront projeter des ombres intéressantes et bien découpées n’était pas toujours aisé. D’ailleurs, les plus belles acrobaties de Clément, chasseur d’ombres, ont souvent eu lieu lorsque nous n’avions pas conscience des ombres que nous projettions et que nous vaquions simplement à nos occupations usuelles.

Comme nous étions généralement impliqués dans le jeu, je pense que nous n’avons jamais capturé le tout en image ou en vidéo. Alors, j’ai déniché une photo de lui avec son ombre clairement visible. Quand je suis tombée sur le cliché ci-dessus, je l’ai trouvé parfait parce qu’il a été saisi dans la cuisine, le lieu près duquel Clément s’est adonné tant de fois à la chasse aux ombres. Je vous invite à observer les différentes ombres visibles en partie sur cette image. Ce n’était pas pour rien que bébé chat y remarquait tant les ombres ; l’éclairage de la cuisine y est très propice.
Avez-vous déjà vu un chat chassé une ombre ? C’est un spectacle fascinant. Je suis heureuse d’avoir pu assisté et même participé de nombreuses fois à la chasse aux ombres de Clément. Notre chat n’était pas le chasseur le plus aiguisé, ni le plus patient, ni le plus subtil, mais il avait de bons réflexes et un fort instinct. Quand je me suis rendue compte que nous avions la visite de petits rongeurs dans la maison l’automne dernier et que notre vieux chaton ne semblait pas réagir à leur présence, j’ai su qu’il avait pris un coup de vieux. Je ne savais pas jusqu’à quel point, néanmoins. Sur ce, je continue à transcrire mes impressions de voyage et à mettre de l’ordre dans tout cela pour vous partager quelques moments de mon périple en Alberta.




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