Miaougraphie de Clément

Deuil en cours, servi sur une Tranche de Miaougraphie
Décidément, j’ai pris des mauvais plis dernièrement. Je me couche rarement avant minuit durant la semaine et beaucoup plus tard durant la fin de semaine. Pour la fin de semaine, ce n’est pas inhabituel, mais durant la semaine, c’est plus tard que dans les dernières années. Je pourrais penser que c’est peut-être influencé par l’absence de Clément, comme si je voulais le remplacer en tant que sentinelle de la nuit, sauf que j’ai presque toujours été plus nocturne que Clément !! Quoique, quand on y pense bien, si un chat adulte dort entre 13 et 16 heures par jour, on ne peut pas dire qu’il soit nocturne ou bien diurne, puisque ses heures d’éveil sont réparties sur toute la durée de la journée. En tout cas, si je me fie sur les chats de mon entourage, incluant Clément. Une petite recherche sur le Web semble confirmer mes impressions : les chats auraient un mode de vie dit polyphasique, c’est-à-dire qu’ils alternent des périodes de somnolence, de sieste, de veille et d’activité à travers le cours d’une journée.

Alors, ce n’est pas si étonnant si j’étais souvent plus active le soir, voire même durant les petites heures du matin, que bébé chat. Je pouvais lire, écrire, jouer des jeux vidéos, réarranger mes étagères de livres, et durant ce temps, Clément somnolait ou dormait carrément, parfois, à mes côtés, d’autres fois, dans une autre pièce, proche de moi ou proche de ma destination finale de la nuit (la chambre). Et il avait le sommeil assez lourd pour un chat. Ceux qui croient que tous les chats ne dorment que d’un oeil n’ont pas vécu avec Clément… À l’exception de ses premières années de vie, il dormait d’un sommeil dur pendant plusieurs heures par jour, particulièrement la nuit. Il m’arrivait de le chahuter tendrement dans son sommeil, le faisant rouler d’un côté, et puis de l’autre, et il n’entrouvait pas un oeil, ne remuait pas même une oreille. Bébé chat devait penser qu’il rêvait quand je le bardassais de cette façon (je suis définitivement du côté de celles qui croient que les chats rêvent!). Bon, si je répétais l’exercice quelques fois, il s’éveillait, somnolant, semblant se demander ce qui pouvait bien se passer. Il était tellement impertubable par moment dans son assoupissement, que je m’assurais parfois qu’il respirait bien, qu’il était bien conscient. Je pense que Clément comptait sur moi pour l’aviser lorsqu’il était temps d’aller se coucher au lit, puisque j’avais pris l’habitude de le prendre, peu importe où dans la maison il était couché, près de moi déjà ou non, et de le déposer au pied du lit pour lui signifier que c’était l’heure officielle du dodo. Il n’avait donc pas peur que je l’oublie et pouvait sombrer dans un profond sommeil bien avant moi. D’ailleurs, pour dire à quel point il pouvait dormir profondément, il lui arrivait de ne pas réagir quand je le déplaçais ainsi d’un lieu de repos à un autre !

Je pense tout de même que notre chat profitait de mes habitudes nocturnes. Il appréciait me savoir réveiller et prête à le câliner ou à prendre soin de lui durant ces heures tardives. Il était vraiment choyé parce que mon conjoint, lui, est plutôt matinal. Ainsi, le nombre d’heures où aucune personne n’était éveillée dans la maison était plutôt limité et Clément avait donc un humain pour lui tenir compagnie matin comme soir. De la sorte, nous avions chacun notre petit moment privilégié avec notre vieux chaton : moi qui le dorlotait le soir, comfortablement installée avec couette et livre bien souvent ; et mon conjoint qui le faisait s’exercer avec les étirements du matin. D’ailleurs, une fois les exercices du matin finis, si j’étais encore au lit, Clément venait souvent me rejoindre pour s’assoupir jusqu’à ce que je me lève. Nos modes de vie légèrement décalés devaient vraiment plaire à notre chat. Il devait penser que nous étions polyphasiques comme lui ! J’avoue que le mode de vie polyphasique me paraît très plaisant. Certaines activités du quotidien me drainent fréquemment de mon énergie et pouvoir alterner les périodes d’activité et de repos me conviendrait bien je pense…

Bien que Clément sommeillait durement par moment, mes heures éveillées dans la nuit étaient rarement solitaires, car sa chaleur irradiait souvent à mes pieds ou à mes côtés. Moi qui a déjà des problèmes de sommeil récurrents en temps normal, je craignais beaucoup l’effet que la mort de Clément aurait sur mon sommeil. Je me souviens au début de mon deuil, une des premières nuits sans lui, j’ai mis un coussin sur mes pieds pour mettre un peu de poids en espérant que cela m’aide à m’endormir. Cela avait fonctionné. Toutefois, c’était trop étrange de sentir ce corps inerte sur mes pieds, je n’ai pas répété l’expérience. À la place, je me suis enroulée dans une des jetés sur laquelle notre vieux chaton avait dormi son ultime nuit à nos côtés. Puis, j’ai pris Tenzen, le renard en peluche, meilleur ami de Clément, dans mes bras. J’ai dormi plusieurs semaines comme cela avant de sentir que je pouvais mettre la jeté de côté.

Passer quelques nuits à l’extérieur de chez moi, d’abord chez ma mère en mars, puis durant mon bref séjour en Alberta en avril, a sans doute contribué à me sortir du cocon rassurant de couvertures que je m’étais tissé. J’ai senti au bout de quelques semaines que je pouvais en sortir quand j’ai cessé de me réveiller en panique dans le courant de la nuit parce que Tenzen n’était plus dans mes bras. Cependant, plus de cinq mois après le décès de Clément, je me couche encore avec mon petit renard niché dans mon cou ou placé contre mon coeur. Au moins, je me réveille moins souvent durant la nuit. Lorsque ça m’arrive de m’éveiller sans Tenzen proche, je le cherche calmement avant de me rendormir. J’ai pensé récemment que je pourrais peut-être mettre la peluche de côté, mais finalement, je ne suis pas encore tout à fait prête. Quand je dors à l’extérieur, je traîne Tenzen, Clément II ou bien Grim, le chat noir en peluche, avec moi pour dormir. Ce sont mes petits compagnons de repos. Bien qu’ils ne peuvent remplacer Mément chéri, ils me rapprochent de lui en quelque sorte. Leur présence me rassure et m’apaise.

Grâce à ces mécanismes, le deuil n’a pas trop perturbé mon sommeil, à part au tout début. Si je me couche plutôt tard ces temps-ci, ce n’est pas tant parce que j’ai de la difficulté à m’endormir, bien que j’ai traversé quelques épisodes d’insomnie récemment, c’est juste que je prends du temps pour lire, pour écrire, pour dessiner. J’étire ainsi souvent mes soirées un petit peu plus chaque soir afin d’en faire le plus possible. Et comme j’ai tendance à me coucher tard naturellement, je prends facilement l’habitude. Une fois le rythme établi, c’est difficile à briser. J’ai passé à travers une période de fatigue à la fin juin, néanmoins, je semble avoir récupéré suffisamment d’énergie dans les dernières semaines en ramenant mon heure moyenne de coucher vers minuit durant la semaine. Si je pouvais revenir à 23 h 30, ce serait encore mieux. En attendant, mes soirées sont bien remplies et me permettent d’accomplir tout pleins de tâches et d’activités.