Deuil en cours
Je n’ai pas fait de mise à jour sur où j’en suis dans mon deuil depuis un bon moment. Je me dissipe à travers des sujets variés, intéressants, souvent pertinents, parfois simplement amusants, ce qui n’est pas en soi un problème. Ça démontre que mes intérêts et mes envies se diversifient à nouveau. Néanmoins, mon deuil n’est pas terminé, je commence à peine à l’apprivoiser. D’ailleurs, ma réflexion est encore en cours sur la durée du deuil, je ne l’oublie pas, je ne suis juste pas rendue au point de l’écrire. Alors, où en suis-je dans mon deuil ?
Il me semble apparent que j’ai réussi à trouver cet automne un certain équilibre dans mon quotidien. Retrouver mes loisirs, sortir un peu plus, profiter de ce que la saison a à offrir constituent différents objectifs réalisés qui m’ont aidé à conjurer la déprime et à diminuer le sentiment d’absence. L’automne n’est pas la saison la plus difficile de mon deuil, comme je l’avais mentionné peu après le passage de l’équinoxe, ce qui contribue sans aucun doute à maintenir ce certain équilibre. Le jonglage entre mes activités et obligations demeure toutefois inégal. Je ne pense pas avoir trouvé mon rythme, bien que je m’en approche de plus en plus. Cela étant dit, les prochaines saisons risquent de représenter un défi plus grand. Peut-être pas aussi grand que la fin de l’hiver 2022-23 et le printemps dernier, mais tout de même, j’appréhende le retour de la saison des Fêtes et de celle de l’hiver, car oui, vous verrez, je tracerai une ligne entre la saison des Fêtes et le reste de l’hiver. Les Fêtes de fin d’année sont carrément un rituel à part dans ma vie qui, bien que lié au retour de l’hiver, mérite d’être abordé séparément.
Entre l’importance des Fêtes pour moi, l’arrivée de Clément dans nos vies qui a coïncidé avec le début de cette saison et le plaisir apparent de notre vieux chaton à participer aux préparatifs année après année, je m’attendais déjà en février passé à ce que la période festive 2023 soit difficile. Pour l’hiver, comme c’est à cette période que Clément est décédé et que c’est la première saison que nous avons terminée sans lui en cette première année de deuil, je prévois aussi quelques obstacles importants dans mon cheminement. Malgré cette anticipation qui pourrait sembler me conditionner à m’assombrir devant les signes avant-coureurs de l’arrivée de ces saisons, ni les décorations, films, et musique de Noël qui sortent de plus en plus fréquemment, ni le froid qui se pointe avec les premières chutes de neige ne m’ont fait réagir fortement. Je me serais attendue à plus profondément ressentir l’approche de ces saisons appréhendées. Quelques pincements au coeur ont quand même accueilli les premières chutes de neige, surtout la deuxième fois (la première fois, la veille de l’Halloween, c’est passé comme du beurre). J’ai pris un peu de retard dans mes préparatifs des Fêtes par rapport à d’habitude, mais à peine. Ainsi, je viens tout juste de commander mon sapin de Noël tandis qu’habituellement, je le réserve avant la mi-octobre. Sortir la grosse couette pour le lit m’a rappelé les derniers moments que Clément a vécu à la maison sans que cela ne provoque des torrents de larmes. Quelques coulées, et même là, c’est peut-être exagéré de les décrire de la sorte.
Tout comme j’aurais pensé que mon excitation habituelle qui tend à monter exponentiellement de semaine en semaine, plus Noël approche, serait grandement atténuée cette année, mais ce n’est pas le cas. Elle est bien au rendez-vous et ne semble pas du tout ternie par le chagrin jusqu’à maintenant. Ça reste néanmoins à voir comment cela se passera une fois que je commencerai à décorer la maison, surtout une fois le sapin reçu et installé, puis une fois que je sortirai les livres de saison et que je ferai défiler les films de Noël, enfin une fois que le froid glacial reviendra, celui du même acabit que ce qui sévissait durant les jours ultimes de la vie de notre vieux chaton. Et il y aura la fois où nous tournerons la page sur le calendrier des 15 ans de Clément… Disons que je ne m’avancerai pas à faire des prognostics sur comment je survivrai cette première saison des Fêtes et ce premier hiver complet sans la compagnie de Clément simplement sur la base de comment se déroule l’automne.
N’empêche que quand je constate tout le chemin parcouru dans les derniers mois, je sens que j’ai progressé énornément dans l’acceptation de la situation post-Clément, dans la redéfinition de mon quotidien suivant le début de cette nouvelle ère, dans la poursuite de mes projets, dont ceux qui me permettent de commémorer sa mémoire, ultimement, dans l’apprentissage de cette douleur que je porte en moi. Il reste toujours des questions en suspens, des crisettes larmoyantes, des relents des événements tragiques s’étant joués au début février de cette année, et surtout, une absence en forme de Clément*, mais ces moments ressemblent de moins en moins à un recul ou une rechute. D’un côté, ils sont devenus une partie intégrante de ma nouvelle routine sans bébé chat. De l’autre, ils tendent à être moins intenses, moins difficiles à vivre qu’avant. Ainsi, je n’ai plus l’impression de perdre pied durant cette ascension pour sortir du gouffre lorsqu’un épisode de déprime ou de colère survient. Je ne me sens plus face à une impasse. Autrement posé, la paroi me paraît plus lisse à cet endroit, ou au contraire, plus rugueuse et accérée, demandant seulement dans les deux cas un effort supplémentaire pour continuer la montée.
Voilà, je chemine tranquillement. Je tâte les contours de mon deuil. Si je ne peux combler le vide laissé par la mort de Clément, je peux au moins l’entourer de lectures agréables, de réalisations sucrées délicieuses, de dessins en tons de gris ou en couleur, de promenades en campagne, dans des parcs et tout autre lieu de plaisance, de réminescences des seize dernières années, de visionnements émouvants ou frissonnants, de rires et de plaisir partagés avec mes proches, d’heures de contemplation du ciel nocturne ainsi que de centaines de mots écrits.
Somme toute, je me relève plus facilement cet automne que lors des trois saisons précédentes. Cependant, le bémol demeure. Il se peut que l’hiver soit rude. Il est fort probable que la saison des Fêtes soit assombrie. Je ne me conte pas d’histoires. J’essaie seulement de me préparer à ce qui s’en vient et à profiter pleinement des périodes plus douces le temps qu’elles durent. J’avance avec la certitude d’être équipée pour passer à travers ce que j’ai à traverser dans les prochains mois, ce qui ne signifie pas que ce sera pour autant une simple formalité. L’hiver approche et j’abrille** mon coeur du mieux que je peux contre les intempéries à venir.
*Absence en forme de Clément : clin d’oeil à un roman lu des mois avant le décès de Clément, A Mango-shaped space de Wendy Mass, dans lequel la jeune héroïne fait face à des deuils et à des découvertes sur sa perception du monde en couleurs (synesthésie). Comme à son habitude, du moins de ce que j’ai lu de ses oeuvres, Wendy Mass livre un récit bien ficelé et amplement documenté qui permet d’aborder des thèmes variés assez compliqués. Dans ce que j’ai vécu suivant le décès de Clément, j’ai reconnu plusieurs aspects en lien avec le deuil abordés par l’auteure dans ce roman. J’ai très envie de relire ce roman jeunesse, peut-être le ferais-je dans le courant de 2024, une fois que les eaux tumultueuses de la fin d’année auront fini de couler.
![Clément II, peluche chat jumelle de Clément est penché sur le livre A Mango-shaped space](https://miaougraphie.com/wp-content/uploads/2023/11/20231121_230815.jpg?w=768)
** Le verbe abriller ou abrier, au Québec et en Acadie, signifie se couvrir ou couvrir quelqu’un d’une pièce de tissu ou d’une protection quelconque selon la définition du dictionnaire participatif que j’aime bien citer, La Parlure.
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