Deuil en cours – très à vif
Le 5 février au soir, je me suis assise devant mon ordinateur et ouvert pour la quoi, centième fois, probablement même plus, le fichier bloc-note que j’ai commencé il y a maintenant un an (initié le 8 février) et que j’ai simplement intitulé « pour mon clement ». La plupart des textes de la Miaougraphie de Clément ont pris forme dans ce bloc-note. Je me suis parfois adressée directement à lui dans ce bloc-notes, mais plus souvent qu’autrement, j’y ai consigné mes souvenirs passés et présents. À l’approche de ce moment marquant une année d’écoulée depuis son décès, je me suis assise et j’ai rédigé une lettre pour Clément, les émotions très à vif. La dernière partie a été rédigée aujourd’hui, mais je l’avais en tête déjà dans la nuit du 5 au 6.
Bonjour toi,
C’est arrivé il y a un an déjà. La course vers l’urgence vétérinaire, l’attente, te laisser seul là-bas, encore plus d’attente, et puis le réveil brutal, les derniers aurevoirs et la peine infinie qui a suivi après. Et le vide béant dans la maison, que l’ombre de ce que tu as été ne peut combler.
Un an déjà, j’ai de la difficulté à saisir que cela fait un an déjà que tu es mort mon Clément chou. En fait, j’ai encore de la difficulté à croire que tu es parti pour toujours. Et pourtant, j’arrive de moins à moins à convoquer le souvenir de ta douce chaleur se diffusant à travers les couvertures que nous partageions, la forme de ton petit corps imprégné sur les coussins du canapé, j’entends à peine le son de ton grelot teinté légèrement sous tes pas. Néanmoins, je me souviens de tes facettes sympathiques et grognonnes, de tes manières impertinentes et adorables, d’à quel point tu étais le meilleur des petits compagnons de lectures, le plus dédié des assistants-cuistots, le plus attentif des confidents et des épaules consolantes. Pleins d’objets dans la maison, plus les tonnes de photos que nous avons prises de toi, me rappellent des épisodes de ta longue vie de pacha félin. Que tu nous en as fait voir de toutes les couleurs dans tes jeunes années. Que tu t’es assagi avec les années tout en gardant ton caractère coloré.
Ce qui me marque le plus encore c’est comment la confiance que tu as placée en nous à évoluer au fil des années, de timide dans ta jeunesse s à devenir inconditionnelle dans la deuxième moitié de ta vie. L’acquérir n’a pas toujours été facile, ni moi ni mon conjoint ne savions trop comment vivre avec un chat au quotidien, comment prendre soin de toi, comment comprendre tes besoins et tes envies. Il y a tellement de choses que je n’ai commencé à bien comprendre qu’au crépuscule de ta vie.
Je souhaiterais avoir été une meilleure humaine dès le départ. Je souhaiterais avoir profité de chaque instant en ta compagnie. Trop de ta vie, je l’ai passé absorbée ; dans mes études ; dans le travail ; dans mes problèmes personnels et financiers. Je sais que je t’ai choisi de nombreuses fois, mais tous ces moments semblent insuffisants maintenant qu’ils ne se répéteront plus.
Tu me manques Clément, tu me manques tellement. Tu n’es peut-être pas dans mes pensées actives à chaque instant durant lequel je suis éveillée, comme tu l’étais dans les semaines qui ont succédé ton décès, bien que je pense à toi plusieurs fois par jour. Les prochaines vingt-quatre heures seront difficiles, comme mon corps semble se souvenir aussi clairement que ma tête tout ce que j’ai vécu dans les heures précédents et suivants ton trépas. Je pense que les prochaines semaines apporteront aussi leur lot de misère et de chagrin.
Rousse douceur
Répandant ta chaleur
Partout où tu passes
Récolte tout l’amour
Que tu inspires
Les mots s’empilent, au fond de ma gorge, je sens un cri qui n’arrive pas à en jaillir. Ça coule beaucoup moins facilement que l’année passée. Peut-être parce que je ne veux pas me répéter, et comme j’ai déjà écrit des dizaines de milliers de mots depuis ta mort, ça devient de plus en plus difficile de trouver d’autres façons d’exprimer ton absence, de mettre en forme ma douleur, de déverser tout mon amour en remplissant des pages de mon écriture. Le manque est de plus en plus innommable.
Comment définir ce qui n’est plus ? Comment décrire ce qui ne pourra être ? Peut-être n’est-ce qu’une panne causée par la surcharge émotionnelle de mon système… ou peut-être sera-ce la tendance des prochains mois. Perdre mes mots dès que je pense à toi. Égarer les phrases qui évoquent mon chagrin.
Un an s’est écoulé et qu’est-ce qui a changé ? Tout a basculé, dans le pareil au même. Les différences sont minimes, et pourtant elles crèvent les yeux. Des pourquoi que je pensais avoir enfin remisé ressurgissent. Pourquoi toi ? Pourquoi à ce moment-là ? Pourquoi de cette façon ? Pourquoi n’ai-je pas réagi plus vite ? Pourquoi ne puisse-je remonter le temps, ne serait-ce que pour revivre une minute avec toi ?
Les moments que j’avais réussi tant bien que mal à écarter reviennent à la charge, aussi vivides qu’au début. Toi dans ta boîte, stoïque, droit, ne laissant pas paraître ta faiblesse. L’anxiété de l’attente, l’espoir de la prise en charge, et les nouvelles qui se succèdent, plus déconcertantes les unes après les autres. Ton absolu confiance en nous même quand nous t’avons laissé aux mains du personnel de l’urgence vétérinaire. Ton corps frêle inerte.
Je savais que traverser ce tournant serait éprouvant, je m’attendais à revivre certains épisodes de février 2023, ce qui ne m’empêche pas d’être étonnée, estomaquée par la force et la tenacité des émotions qui m’assaillent depuis quelques jours.
Ce jour commémorant ton passage de vie à trépas mon minou est une grosse première fois à traverser.
J’ai eu la chance de t’avoir à mes côtés pendant un peu plus de quinze ans, je savais que j’aurais le malheur de te voir partir un jour et ce jour est arrivé, il y a un an précisément.
Tu es parti, mais pas sans laisser une myriade de traces derrière toi. Ça m’a pris du temps en trouver certaines, et je n’ai sûrement pas fini de les dénicher, puisque tu en as très bien cachées dans les coins les plus sombres de l’appartement, dans le plus profond de ma mémoire, comme les chats savent si bien faire avec leurs jouets préférés.
J’aimerais te rassurer tout de même, mon Clément. Cette année sans toi n’a pas été que larmes et douleur. Il y a eu de beaux moments, des rencontres lumineuses, de douces inspirations, des rires, dont certains en me remémorant des épisodes de ta vie rocambolesque. À travers le rideau de pleurs, la joie a poind le bout de son nez plus souvent qu’autrement, une joie à ton image.
Je me souviendrai toujours de comment tu as réussi à gagner le coeur du personnel de l’urgence vétérinaire durant les quelques heures que tu as passé là-bas, toi qui n’avait jamais fréquenté ce lieu pourtant. Tu étais comme cela, un astre poilu attirant tous les corps célestes passant un peu proche dans ton orbite, un soleil qui ne brûlait pas, bien qu’il griffait. Tu es encore comme cela encore, à voir comment des personnes qui n’ont pas eu la chance de te rencontrer durant ta vie se sont attachées à toi dans la dernière année.
Tu m’as montré plus d’une fois durant tes années de chat à reconnaître la beauté de petites merveilles du quotidien et j’ai l’impression que tu continues à le faire par delà ta mort.
Clément, tu nous as laissé tout un héritage d’amour et de joie et je t’en remercie infiniment mon bébé chat. J’espère continuer d’y puiser inspiration, motivation et détermination.
Je t’aime très très fort Mément. Je te garde bien au chaud au plus près de mon coeur.
Pour toujours,
Ton humaine
![Moi debout, portrait mi-corps tenant Clément le chat dans mes bras qui regarde derrière moi, nous sommes à l'extérieur à contrejour, sous les rayons du soleil dardant.](https://miaougraphie.com/wp-content/uploads/2024/02/2010-bebe-chat-et-moi.jpg?w=768)
Laisser un commentaire