Miaougraphie de Clément

Deuil en cours

Je m’ennuie du léger bruissement de Clément qui râcle la litière avant ou après avoir fait ses besoins.
Je m’ennuie de sa fourrure toute douce.
Je m’ennuie de le gratter avec mes ongles un peu longs sous le menton, à son grand bonheur.
Je m’ennuie de me coucher la tête sur son ventre et d’entendre le bruit de son petit coeur qui battait vite.
Je m’ennuie de tout ce que je ne peux plus faire avec lui, de tout ce que je ne pourrai jamais faire pour lui.

Il y avait bien des tâches et des plans que j’avais en tête pour le bien-être et le plaisir de Clément. Je regrette de ne pas avoir pris le temps d’en réaliser au moins un ou deux dans les derniers mois. Voici une liste de quelques-uns de ces projets qui ne verront jamais le jour :

• Lui commander une médaille plus légère. Celle qu’il portait au cou depuis plus de dix ans était assez lourde et je m’étais rendue compte que l’alléger pourrait aider notre chaton vieillissant.
• Aménager une montée sécuritaire pour que Clément puisse continuer à monter et descendre le lit qui était légèrement plus haut que lui.
• Confectionner un des chapeaux en papier de construction sur le modèle d’un livre ramassé il y a déjà un moment (Tiny hats for cats).
• Lui fabriquer une nouvelle cravate distinguée et élégante.
• Construire une maison, un palais ou bien une forteresse en carton pour l’amuser. J’ai eu cette impulsion si souvent et je ne l’ai jamais réalisé en quinze ans…

Le plus gros et celui qui me fait particulièrement mal, c’est le rêve que j’avais enfin commencé à caresser depuis deux ans environ, celui de pouvoir peut-être vivre de, ou du moins pouvoir me dédier presqu’à temps plein à l’écriture. Ce qui me permettrait de travailler plus de la maison et pouvoir ainsi accompagner Clément dans ses dernières années de vie. Parce que oui, j’avais commencé à imaginer que comme Clément avait atteint l’âge vénérable de quinze années en apparente santé nous pourrions peut-être célébrer son vingtième… La perspective de partager plus de temps avec lui en développant mes projets créatifs était un puissant moteur. Quand Clément s’est éteint, j’ai regardé un de mes derniers rêves s’évaporer…

L’idée de la Miaougraphie de Clément en blog m’a permis de faire naître des cendres de ce rêve un nouvel objectif, un espoir tout neuf. En toute franchise, sans cela, je n’aurais pas grand motivation en ce moment… N’empêche que je regrette ne pas avoir progressé autant que j’aurais pu sur ce rêve l’an dernier et ça s’ajoute dans ma longue liste de regrets entourant la fin de vie de Clément, dont en voici quelques autres exemples :

• Ne pas avoir remarqué qu’il avait fait un pipi dans un endroit inhabituel vendredi ou samedi soir. J’aurais certainement approché les premiers signaux différemment si je l’avais constaté.
• Ne pas lui avoir accroché de nouveau ruban au cou récemment.
• Ne pas avoir libéré plus d’espace pour lui dans mon bureau de télétravail.
• Avoir un peu négligé sa litière dans la dernière semaine de vie.
• Ne pas lui avoir suffisamment dit à quel point je l’aime dans le dernier mois de sa vie.
• Ne pas avoir pensé à demander les conséquences possibles d’une transfusion sanguine sur les reins (nous n’avons pas opté pour la transfusion à cause des complications possibles liées au rein, mais est-ce que cela aurait pu lui donner un peu plus de temps ?).
• Avoir laissé le stress du boulot me submerger à la fin janvier.
• Avoir travaillé plus d’heures dans les dernières semaines de sa vie, et ce, bien que plusieurs de ces heures ont été travaillées de la maison.
• Avoir diminué mon temps de lecture dans notre pièce préférée durant son mois final.
• Avoir jeté au recyclage la boîte-tente une ou deux semaines trop tôt… cette boîte que Clément avait adopté depuis que je l’avais reçu vers la mi-décembre.
• Ne pas avoir pu apporter Tenzen à Clément dans ses derniers moments.

Effectivement, lorsque je préparais les choses pour transporter Clément au centre vétérinaire, j’ai cherché frénétiquement Tenzen. Entre la taille pratique de la peluche et son lien affectif très prégnant, cela semblait le choix parfait pour que notre vieux chaton ait un morceau de la maison avec lui. Malgré mes recherches, je ne l’ai pas trouvé, même en soirée, après que nous soyons revenus du vétérinaire sans Clément. Je n’avais aucune idée où le chercher. Tous les endroits évidents ont été méthodiquement vérifiés. D’un côté, pour l’hospitalisation de notre vieux chaton, ce n’était pas si pire au final que nous n’ayons pas eu Tenzen ; je ne sais pas si j’aurais pris le risque que Tenzen soit perdu en étant laissé au centre vétérinaire. Lorsque nous avons remis Iconiki pour tenir compagnie à Clément, nous avons bien été avertis qu’elles ne pouvaient garantir que le jouet ne soit égaré!

Néanmoins, j’aurais aimé que Clément puisse partager un dernier moment avec Tenzen en l’apportant avec nous lors de l’euthanasie, ce qui n’a pu être fait. Mon conjoint n’a remis la main sur notre petit renard qu’un ou deux jours trop tard… mais pas trop tard pour que je puisse me consoler en m’endormant avec cette peluche tous les soirs depuis que Tenzen a été retrouvé. Il n’est plus autant couvert de poils de chat qu’avant, mais il demeure un lien très fort entre Clément et nous.

Enfin, si les listes précédentes compilent mes regrets, mes désespoirs, mes échecs, il en existe une, en contrepartie, des choses qui me font ressentir de la gratitude envers la vie, de ces moments que j’ai pu partager avec Clément dans les derniers mois, dont :

• Célébré un temps des Fêtes 2022 relax à la maison avec lui.
• Avoir ouvert une canne de thon l’avant-veille de sa mort.
• L’avoir laissé faire un ultime tour de deux-trois minutes dans la cour couverte de glace pendant que je sortais le recyclage en janvier.
• Avoir joué à lui faire attraper sa queue une semaine avant sa fin et juste voir plus jouer avec lui dans les derniers mois.
• Les nombreuses heures passées à lire l’automne dernier en sa compagnie.
• L’avoir entouré souvent dans le dernier mois d’amis peluches lors des journées où mon conjoint et moi travaillions en présentiel.
• Avoir créé un tas de nids douillets de couvertures comme à chaque hiver pour qu’il s’y prélasse.
• Avoir choisi le thème « 15 ans de Clément » pour un des calendriers de l’année 2023.

D’ailleurs, je le chérirai longtemps ce calendrier qui risque fort d’être le dernier qui comportera uniquement des photos de Clément. Chaque année, je prépare soigneusement deux calendriers avec des photos récentes ou plus anciennes prises par mon conjoint et moi, en les assemblant autour d’une thématique différente. J’étais si contente de souligner quinze ans de vie commune avec bébé chat que ça m’est paru une excellente idée de calendrier pour 2023… je ne pensais définitivement pas que Clément trépasserait quelques jours après que nous ayons tourné la page du premier mois de ce calendrier ! Malgré l’amère ironie, j’apprécie jeter un oeil à ce calendrier presque quotidiennement. J’ai l’impression que, grâce à cet objet usuel, Clément passera ainsi l’année auprès de nous une dernière fois. Je ne pense pas avoir le coeur à préparer un autre calendrier centré autour de notre cher chat maintenant qu’il est mort, alors ce calendrier 2023 est très significatif. J’aurais préféré qu’il ne devienne pas commémoratif, mais bon, les aléas de la vie, que voulez-vous ? On n’y peut rien.

En quelques listes sorties du fouillis de mon coeur et râclées du fond de ma pensée, je commence un brin de ménage en vue du printemps, espérant tasser un peu les petites choses qui me tracassent pour libérer de l’espace pour les meilleurs souvenirs.