Deuil en cours
Où en suis-je dans le processus ? J’en suis à tester les contours de ma nouvelle routine sans Clément, hésitante, à tâtons. Dans les dernières semaines, je n’ai préparé aucun de mes desserts favoris et je n’ai pas mitonné de repas moindrement élaborés. J’ai repris la lecture, mais à peine lus sept livres dans le dernier mois, ce qui est un nombre bien en-deça de ma moyenne habituelle. Je n’ai pas touché à aucun jeu vidéo. Je n’ai manqué que deux jours de travail. J’ai écrit des centaines de mots. J’ai peu dessiné. Je n’ai fait aucune sortie, sauf lors de la visite d’amis qui coïncidait avec le premier week-end suivant la mort de Clément. J’ai recommencé à lire dans la pièce jaune où Clément et moi avions établi notre base de détente, un peu, pas beaucoup, mais la peine et la détresse que m’inspiraient cette pièce dans les premiers temps semblent s’être estompées quelque peu.
Avec mon conjoint, nous avons joué à quelques parties de nos jeux habituels – crib, backgammon, Uno. Nous avons fait notre rituel funéraire pour notre vieux chaton. Nous avons partagé bien des larmes. Nous n’avons pas encore balayé le dernier des amas de poils et de poussière jonchant certains recoins de l’appartement. Nous n’avons pas encore lavé certaines couvertures. Nous avons regardé quelques émissions et films. Nous avons échangé bien des photos, vidéos et souvenirs de bébé chat.
Les dernières semaines sont marquées par des progrès évidents et des réticences apparentes.
Qu’est-ce qui s’en vient pour les prochaines semaines ?
- L’arrivée du premier printemps sans Clément.
- Une semaine de vacances pour moi qui vient avec une première escapade de quelques jours loin de la maison depuis sa mort.
- Le nettoyage de quelques-unes des traces résiduelles de Clément.
- La reprise progressive de mes activités au fourneau.
- Plus de textes et de photos sur la vie de Clément.
- Commencer à revoir l’utilisation ou l’organisation de certaines pièces.
Aucune de ces choses ne m’apparaît facile. Néanmoins, le dernier point est l’un de ceux que j’appréhende le plus. Ce sera étrange de déplacer des meubles, sortir ou entrer de nouveaux meubles, sans que notre superviseur félin soit présent pour approuver la nouvelle disposition. C’est bien connu, les chats sont très territoriaux et Clément sur ce point ne faisait pas exception. En regroupant les photos et vidéos que j’ai personnellement prises durant ses quinze années de vie avec nous, je me suis rendue compte qu’une proportion importante de ces clichés était liée à ses interactions avec tout nouvel élément ou réarrangement de son milieu. Explorer les tiroirs vides d’une nouvelle armoire ou les étagères d’une bibliothèque fraîchement assemblée, se coucher sur les articles encore emballés dans leur boîte d’origine ou sur les nouveaux coussins, faire le tour du propriétaire dès qu’une pièce était réaménagée quelque peu, s’étendre sur un tapis fraîchement déroulé… autant d’événements mineurs de l’existence de Clément capturés en image.

Tout ce qui est dans la maison actuellement, l’emplacement de chaque chose, est approuvé par notre petit roi félin, tandis que tout ce que nous ajouterons à partir de maintenant, tout ce que nous changerons de place, ne le sera pas ! Cette réalisation m’est très douloureuse, mais je sais bien que je ne peux pas, que je ne veux pas, tout laisser tel quel indéfiniment. J’ai une bibliothèque qui attend d’être montée, un vieux divan dont nous pourrions nous débarrasser, et des projets ici et là pour continuer d’améliorer notre espace de vie… un jour ou l’autre, il faudra y faire face.
Pas immédiatement, cependant, je peux me préparer tranquillement et aussi entamer la discussion avec mon conjoint. Nous sommes deux dans tout cela et chaque geste posé sur notre environnement affecte l’un comme l’autre. Éventuellement, ces changements deviendront nécessaires et marqueront une étape de franchie dans notre processus de deuil. S’il y a une chose qui est claire pour moi, c’est que je ne souhaite pas tenter de reprendre ma routine d’avant. Le décès de notre vieux chaton est un gros changement et il bouleverse un peu, beaucoup, absolument tout. Ça m’importe donc de me laisser l’espace et le temps de trouver mon nouveau rythme sans la présence rassurante de mon Clément-chou.
Après avoir disposé de son ultime litière, ça a laissé un grand trou dans la pièce où elle était située. La litière est une des premières choses que j’ai sortie, le lendemain de son décès, et je savais que ce vide demeurait, cela raviverait le sentiment de son absence constamment. Alors, j’avais une petite chaise berçante, souvenir de mon enfance que Clément a déjà utilisé brièvement, qui n’avait plus de place précise dernièrement. Je l’ai posé là, à la place de la litière, et j’y ai assise la grande poupée Hello Kitty que je possède. Un petit clin d’oeil à Clément, un petit coin adorable. Ce n’est pas une solution parfaite, comme cela m’arrive quand même d’avoir un pincement au coeur ou d’être assaillie par une vague de chagrin en passant devant, mais ces occurrences sont probablement moins fréquentes qu’elles ne l’auraient été si le coin de la litière était resté béant. Mon coeur se déchire encore assez régulièrement comme c’est là sans vouloir ajouter plus d’occasions menant à ces entailles.
Donc, plusieurs étapes derrière moi, beaucoup d’autres à venir. Un jour à la fois, j’avance sans mon Clément.





Laisser un commentaire