Deuil en cours
Depuis mon retour à la maison, j’ai l’impression de vivre un creux dans mon deuil. Les larmes reviennent à l’assaut un peu plus fréquemment, de façon un peu plus appuyée. Quand je pense à Clément vivant, je m’assombris. Quand je pense à ses derniers jours avec nous, mon coeur se serre. Pourtant, je ne me sens pas régresser. Ça ne me semble pas être un recul. Je le conçois plutôt comme un pas franchi, comme une redéfinition du deuil qui m’habille depuis la mort de notre petit roi, comparable à la refonte saisonnière de la garde-robe. Le froid recule progressivement et mon deuil se revêtit plus légèrement.
Les crises de pleurs qui sont de retour ne sont ni aussi violentes, ni aussi suffocantes que celles des premières semaines sans Clément. J’emploie tout de même le mot crise, donc, elles ne se sont pas adoucies pour autant et demeurent des compagnes difficiles à côtoyer. Je ne suis pas surprise de vivre cet épisode de tristesse avivée, mais les choses, les pensées qui ouvrent la voie au chagrin me surprennent par moment. Ces pensées vagabondes que j’avais cru avoir classées reviennent me visiter à intervalle régulier. L’intervalle s’est allongé, par rapport à avant, au moins… Ce que je vis actuellement m’a rappelé une petite illustration de mon deuil que j’avais rédigé vers la fin du mois de février qui suit dans le paragraphe ci-dessous.
Mon deuil a commencé sur une chute libre dans une abysse qui ne paraissait pas avoir de fond, bien que j’ai fini par le trouver, le sentir. Je ne pourrais dire quand j’ai frappé le fond exactement, entre le choc et la perte de repères. Chose certaine, c’était durant la première semaine. Tout ce que je pouvais faire au départ, c’était d’évaluer la largeur de ce trou dans lequel j’avais atterri, de prendre la mesure de mon espace de mouvement. Oubliez ça, regarder vers le haut pour estimer la profondeur de mon trou, j’en étais incapable à ce moment-là. Ce n’est que durant la deuxième semaine que je suis arrivée à tourner mes yeux vers un ciel que je ne pouvais pas apercevoir. Très profond, ce gouffre, était la seule conclusion possible ; trop ardu de concevoir en sortir facilement. Tranquillement, je me suis mis à identifier mes ressources, à chercher les outils que j’avais à ma disposition pour considérer une ascension. Vous pourriez croire qu’à la troisième semaine, j’en étais rendue à escalader… mais il m’a fallu d’abord planifier à partir des connaissances acquises sur mon trou, des repères que je me suis faits, et des ressources que j’ai rassemblées et puis, m’échauffer et m’étirer avant de parvenir à attaquer la sortie de ce trou…
Je ne saurais dire quand j’ai commencé l’ascension. Cependant, avec comment je me sens maintenant durant cette deuxième moitié d’avril, je peux ajouter que mon escalade ne suit pas une droite ligne vers le haut. Parfois, les appuis manquent sur la piste suivie et je dois m’étirer et poursuivre latéralement avant de trouver un nouvel endroit d’où monter. D’autres fois, je dois rebrousser chemin parce que je ne trouve pas d’échappatoires ni vers le haut ni vers la droite ni vers la gauche. Je ne peux alors que reprendre le chemin déjà parcouru pour chercher de nouveaux appuis. Malgré tout, je poursuis mes efforts pour remonter à la surface. Ce n’est pas toujours facile. Il y a des moments où tout me paraît absurde. Pas que cela n’arrivait pas du temps où Clément était encore auprès de moi, seulement, lorsque tout semblait n’avoir aucun sens, je me tournais vers lui et sa présence significative suffisait à compenser l’absurdité de tout le reste.
Le sens que Clément incarnait n’a pourtant pas disparu ; il vit dans l’amour que je ressens pour mon vieux chaton et dans les souvenirs que je conserve de lui. Toutefois, cela requiert dorénavant un effort de ma part pour retrouver ce sens, tandis qu’avant, je n’avais qu’à étendre la main vers bébé chat, triturer son doux pelage roux ou juste l’observer dormir paisiblement pour le trouver. Sur ce, je pense que je vais aller me réfugier dans notre doudou bleue avec les jolis renards. C’est loin d’être pareil, mais je fais avec ce qui me reste. Vivement le week-end, je vous dis !





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