Deuil en cours
J’avais un chat. Il s’appelait Clément. J’ai toujours un chat. Il s’appelle Clément.
J’avais un chat. Il s’appelait Clément. J’ai toujours un chat bien qu’il ne vive plus que dans nos têtes et dans nos coeurs.
J’avais un chat. Il s’appelait Clément. J’ai toujours un chat. Il s’appelle Clément, mais il ne répond plus à son nom.
J’avais un chat. Il s’appelait Clément. J’ai toujours un chat et je ne le nourris plus que d’amour et de pleurs.
J’avais un chat. Il s’appelait Clément.
J’avais un chat. Il s’appelait Clément. J’ai toujours un chat et je l’aime plus que tout.
J’avais un chat. J’ai un chat. J’avais un chat. Il s’appelle Clément. J’avais un chat.
J’ai toujours un chat. Il s’appelait Clément et c’était le plus grand roi parmi les félins.
Il s’appelle Clément. J’avais un chat. Je l’ai aimé infiniment.
J’ai un chat. Il s’appellait Clément.
J’avais un chat. Et j’aurai toujours mon chat, Clément.
Ce petit texte, je l’ai rédigé il y a un moment déjà, pour coucher sur papier (je l’ai d’abord écrit à la main) cette dissonance engendrée par le décès de bébé chat, tentant de départager un peu ce qui est dans le passé, ce qui est toujours dans le présent et qui demeurera pareil dans le futur. J’avais un chat, il est mort, mais j’ai toujours mon chat dans mon coeur, dans mes pensées, dans mes mots, dans mes images. Clément est ainsi absent et présent dans ma vie. La mort d’un être cher engendre souvent, je pense, une dissonance qui transparaît dans différents aspects, dont les rêves.
Je n’ai pas rêvé énormément à Clément pourtant, quoi que je ne me souviens pas de mes rêves à tous les matins. En plus, je semble me souvenir moins fréquemment de mes rêves ces derniers temps ou peut-être que j’ai moins rêvé… je ne pourrais pas dire. Toutefois, je remarque que mes rêves incluent de moins en moins mon cher Mément. Est-ce que ça deviendra plus sporadique et moins fréquent ou y aura-t-il des périodes plus actives que d’autres ? Trop tôt pour se prononcer. Durant le premier mois suivant la mort de bébé chat, j’ai rêvé plusieurs fois à lui, des rêves plus ou moins agréables. Partagé dans un de mes tous premiers textes (Premier réveil, premier rêve…), le premier rêve, du moins le premier dont je me suis rappellée au réveil, incluant Clément est survenu à peine quelques jours suivant son décès.
Dans ce rêve, mon vieux chaton était encore vivant et je cherchais un endroit où le déposer pour que je puisse profiter d’une fête ou un événement quelconque ayant lieu dans un endroit inconnu. Je ne pense pas que j’avais prévu emmené Clément avec moi… Somme toute, ce premier rêve n’était ni mauvais, ni particulièrement bon, juste moi qui cherchait à protéger mon bébé chat. Le suivant date du lendemain je pense et était déjà plus mauvais. Cette fois-là, Clément respirait difficilement et je voulais tout faire pour le sauver, sans succès, revivant en boucle un résumé de ses dernières heures. Surprenamment, je ne me suis pas mal réveillée de ce rêve, malgré ce brutal rappel, juste infiniment triste et j’ai réussi à me rendormir. Environ une semaine après, je me réveillais en pleurs d’un mauvais rêve où Clément était en vie, mais en piètre état et la vétérinaire nous annonçait que nous ne pouvions rien faire pour lui.
Par la suite, je peux me remémorer seulement deux rêves assez clairement, bien qu’il me semble avoir entraperçu moon vieux chaton une ou deux fois de plus en rêve. L’un a suivi d’assez près le dernier rapporté ci-dessus. Dans celui-ci, Clément n’allait pas bien, mais il y avait un genre de geste rituel que je pouvais faire pour l’aider. Puis, dans mon plus récent rêve en lien avec Clément, survenu il y a environ une semaine, j’ai rêvé de chats, mais cette fois-ci, aucun d’eux n’était Clément, bien que je confondais dans mon rêve un d’eux pour Clément. Je l’appelais Clément sans cesse et pourtant, une partie de ma conscience savait bien que ce n’était pas Clément. Il ne lui ressemblait pas tout à fait de toute façon. Dans mon rêve, on le nommait Félix. Il y avait deux autres chats grognons et plutôt mâlins étendus sur le lit dans la chambre où j’étais supposée dormir, mais ces chats ne me faisaient pas un bon accueil… Un rêve étrange, ni plaisant, ni mauvais.
Depuis février, je suis passée de rêve où Clément est en vie et en relative santé, à en vie, mais en détresse, à absent, mais présent. Je ne peux dire pour vous, moi, je sens une certaine confusion transparaître de ces rêves. Confusion qui m’apparaît normal, cela étant dit. Une partie du deuil est l’acceptation que l’être cher n’est plus de ce monde, parce que ce n’est ni quelque chose qu’on réalise d’un coup, ni quelque chose qu’on comprend entièrement immédiatement après. Je pense qu’à quelque part, je tâte encore ma nouvelle réalité sans la présence corporelle de Clément, que je tente encore de faire sens de ce qui s’est produit. Et ces temps-ci, ça se traduit pour moi par des émotions très mélangés et mélangeantes. Suis-je triste ? Suis-je heureuse ? Est-ce que mon coeur est engourdi ou stimulé ? Je suis un peu mêlée en ce moment.
Il y a quelques jours, j’ai ressenti une immense joie, puis, en pensant à Clément, une profonde tristesse s’est insinué à travers cela sans néanmoins amoindrir la première émotion. En fait, les deux cohabitaient ensemble en moi. Ah tiens, je me suis dit, un point d’équilibre atteint ! Et puis, oups, ça bascule. Heureuse, chagrinée, apathique, mélancolique, énervée, quel état domine en ce moment ? Je ne saurais dire ou si peut-être, la fatigue est la constante actuellement. Je vous rassure, elle n’est pas énorme la fatigue et elle vient principalement du fait que je m’occupe de plus en plus (trop ?). J’étire donc mes journées un petit peu et coupe légèrement dans les heures de sommeil. Pas la fin du monde en soi, seulement, je sais que je dois y prêter attention parce que j’ai un tempérament plutôt nocturne et qu’il est donc facile pour moi de prendre l’habitude de me coucher tard. Malheureusement, il y a une limite aux heures flexibles où je travaille et je dois quand même me pointer assez tôt chaque matin de la semaine, du lundi au vendredi. Alors, les veillées jusqu’à minuit en semaine, il ne faut pas que ça devienne ma routine. J’ai besoin de mes huit heures de sommeil par nuit moi !
Bref, la fatigue joue sans doute un rôle dans ma sensibilité émotive ces temps-ci, bien que je ne pense pas qu’elle soit la cause principale de mon coeur emmêlé. Tout de même, une nouvelle routine se dessine tranquillement et je n’évoque pas que l’heure du coucher. Non plutôt je retrouve peu à peu les tâches du quotidien, entrecoupées des activités récemment intégrées comme tenir le blog, explorer d’autres blogs, dessiner, un peu de chasse aux aurores boréales, et de celles qui sont en cours de réintégration comme la pâtisserie et autres confections, la lecture, les jeux, la marche, etc. Je pense que je suis au point où je n’ai pas encore trouvé mon rythme à travers tout cela. Mes besoins ont changé depuis le début du deuil de mon cher chaton adoré. Je suis peut-être due pour réévaluer ce dont j’ai besoin et comment je peux y répondre à travers mes obligations, mes projets et mes loisirs.
Somme toute, je ne pense pas que cela soit surprenant que je sois un peu confuse dans tout cela. Après tout, le retour de la joie après des semaines de peine et de misère a de quoi déstabiliser, je le conçois bien. J’apprends à accepter d’être joyeuse à nouveau et je comprends que la joie ne délogera pas du jour au lendemain la tristesse toujours bien ancrée en mon sein. La vérité est que je ne veux pas non plus que ma peine se dissipe, parce qu’elle est justifiée. Parce qu’elle n’est pas mauvaise ou négative en soi. Douloureuse, oui, bien que beaucoup moins que dans les deux premiers mois ayant suivi le décès de Clément. Je ne souhaite pas pour autant m’accrocher absolument à elle ou à une de ses formes en particulier. Ma tristesse a d’ailleurs bien changé. D’étouffante et envahissante, elle est devenue enveloppante, doucereuse, et relativement plus discrète.
Elle surgit encore à des moments inopportuns ou, du moins, inattendus comme avant-hier au bureau ou durant presque toutes mes marches de retour entre le bureau et la maison dans les dernières semaines, et souvent quand je partage un souvenir heureux en lien avec Clément. Pas que les pleurs qui m’échappent me fassent honte. J’ai plutôt la larme facile, le coeur au coin de l’oeil, et ce, depuis longtemps. Bien que ça m’est arrivé d’avoir envie de ravaler quelques larmes sans succès, en lien avec Clément, je les accueille volontiers et les laisse couler comme elles viennent. Chaque goutte qui jaillit est un sillon marquant le passage de mon petit roi félin dans ma vie. Chacune souligne la douceur de Mément qui me manque tant. L’amour a un goût salé par moment.
En gros, je souhaite un bon retour à la joie dans ma vie, bienvenue, bienvenue ! J’espère qu’elle s’entendra bien avec la tristesse qui y est bien installée.
Une source qui alimentera la joie prochainement est la naissance récente de ma nouvelle nièce. J’aurais préféré qu’elle s’appelle Clémentine… le nom avait été considéré, avant la mort de Clément je précise. Elle a tout de même un joli prénom et un beau minois fripé qui va bien avec. J’ai hâte de faire sa connaissance et, d’un jour, lui raconter tout pleins d’histoires drôles sur Clément le chat roux, bienveillant roi, brave petit poltron, chasseur d’ombre, adorable coquin plein de mordant, grand ami des peluches et explorateur du dimanche.




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