Deuil en cours
Écrire pour survivre à la mort de mon chat. Écrire pour qu’il continue de vivre à travers les pages. Deux phrases qui expriment tout mon processus. L’écriture m’a vraiment été bénéfique pour traverser le choc causé par la mort de notre coquin de rouquin et continue de m’aider à m’adapter à mon nouveau quotidien sans chat. Néanmoins, je constate que je n’écris plus autant qu’au début. J’ai d’abord pensé que c’était parce que mes besoins avaient changé. En partie, je pense que c’est vrai, mais je réalise que les mots semblent se coincer un peu plus souvent à la source. Dans les semaines qui ont suivi la mort de Clément, les mots coulaient d’eux-mêmes, aussi librement que les larmes. Éventuellement, sans se tarir, le courant est devenu filet, bien que par moment, mes doigts se faisaient encore aller de leur propre accord au-dessus du clavier. Puis maintenant, tout est plus lent, il faut parfois que je me force pour sortir quelques phrases, que j’insiste face à moi-même pour prendre un temps pour poser en mots ce que je vis, ce que je ressens ainsi que ce dont je me souviens de Clément. Taper deux pages d’un premier jet me prenait environ entre une demi-heure et une heure au début. Là, je peux passer une heure à trimer sur une seule page, et ça n’inclut pas les corrections et révisions de pré-publication !
Qu’est-ce qui a changé ? Savoir qu’on me lit peut possiblement jouer sur la façon dont j’écris. Au début, je n’écrivais autant pour moi que pour partager avec mes proches, tout en ignorant qui d’entre eux prendraient le temps de me lire. Aujourd’hui, je sais que je suis lue et pas juste par mes proches. Bien que je n’ai pas revu mon approche rédactionnelle, je réfléchis sans doute un peu plus aux sujets que j’aborde et à la façon de les amener quand je m’assois pour écrire. Toutefois, je ne pense pas que ce soit un gros frein pour moi. Je sens que je laisse encore de la place à la spontanéité et à l’inspiration du moment. J’internalise peut-être un peu plus maintenant que le choc est passé. Je suis une personne qui a tendance à digérer mes émotions seule dans mon coin. Les partager comme je le fais sur ce blog n’est pas un procédé naturel pour moi. Ou plutôt, les écrire est naturel, mais je conserve habituellement ces mots pour moi-même. Ce blog, c’est quelque chose qui d’ordinaire me sortirait de ma zone de confort. Pourtant, il a été si facile à mettre en place et à alimenter… du moins, jusqu’à récemment. Peut-être que ma zone de confort me rappelle ses limites à sa façon en retenant les mots en amont. Seulement, elle n’y réussit pas totalement et ne fait que réduire leur flot…
C’est plus convaincant, néanmoins, je sens qu’il manque encore quelque chose, quelque chose en lien avec mon parcours émotionnel, parce qu’écrire ne me sert pas que d’exutoire. En fait, l’écriture exhume parfois mes émotions. En répondant à un commentaire sur mon blog il y a déjà quelques temps, j’ai évoqué comment je trouvais l’écriture pratique pour nourrir l’amour et la joie associés aux souvenirs de Clément et j’allais ajouter que je me sentais souvent moins triste durant l’écriture. Au dernier moment, je me suis ravisée parce que ce n’est pas tout à fait vrai. Par moment, c’est en écrivant que j’extirpe les pleurs et la douleur qui m’habitent. Ainsi, durant la rédaction, je me sens parfois plus triste qu’avant de commencer à écrire. Cependant, c’est vrai dans tous les cas, ou presque, qu’après avoir écrit, le poids de la tristesse s’en trouve allégé quelque peu, malgré que cela n’a été que passager quelqus fois. Tout de même, ces fois-là m’ont soulagé, comme cela m’a permis de passer à travers plusieurs épisodes très douloureux en amoindrissant pour une brève période le fardeau de mon deuil.
Parfois, écrire en soi est douloureux pour moi et, comme le plaisir et la joie commencent à revenir dans ma vie, je peux concevoir qu’à quelque part, je n’aille pas envie d’éveiller ces émotions difficiles qui se cachent sous la surface. Ainsi, j’ai peut-être développé des habitudes d’évitement dans les semaines récentes comme si j’associais l’écriture avec l’éveil de la bête qui sommeille en moi. Pourtant, j’ai eu l’impression un certain temps qu’en écrivant, je dressais un traité de paix avec mon deuil. Qu’en écrivant, je reprennais progressivement le contrôle de ma vie. Qu’en écrivant, j’amadouais les démons Doute, Regret, Amertume et Frustration et créais de l’espace pour les anges Mémoire, Affection, Tendresse et Plaisir. Je pense que c’est toujours le cas et qu’en fait, j’ai juste besoin d’un rappel des raisons pour lesquelles j’ai commencé à documenter ce deuil. En écrivant, j’accueille ma souffrance et je l’accepte comme une nouvelle partie de moi. Par les mots, je reconnais ses formes et ses couleurs et j’identifie ses limites. Par les mots, je construis un futur en m’assurant de ne pas perdre de vue tout le passé vécu avec bébé chat. Par les mots, je fais vivre Clément un peu plus longtemps…
Voilà, j’espère que ce rappel fera son bout de chemin pour m’aider à continuer à écrire, à confronter l’inconfortable et faire ressortir le réconfortant. Ça ne signifie pas qu’il n’y aura pas de changement dans le rythme de publication sur le blog. Jusqu’à maintenant, je publiais entre trois à cinq fois par semaine, mais je tomberai peut-être à une moyenne de trois publications par semaine. Le ton et le style évolueront sans doute aussi au fur et à mesure que j’avancerai dans sur le chemin de mon deuil. Je continue de croire que l’écriture occupe une place importante dans mon cheminement, même si, ou plutôt surtout parce que cela devient plus difficile par moment.
Chose certaine, ce ne sera pas toujours facile de trouver les mots. Après tout, j’écris parce que Clément n’est plus… mais j’écris surtout pour que Clément soit toujours !





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