Miaougraphie de Clément

Deuil en cours avec des miettes de tranche de Miaougraphie
Cette semaine, nous avons ouvert une boîte de conserve de thon pour la première fois depuis le décès de notre petit roi qui raffolait tellement du thon. C’était sans conteste son mets favori. C’était si étrange que d’entendre mon conjoint sortir l’ouvre-boîte et ouvrir la conserve sans que le pas de course de Clément ne résonne dans le corridor. Peu importe la conserve qu’on ouvrait, si Clément percevait les sons caractéristiques de l’ouvre-boîte, il rappliquait aussi vite et insistait, non mais, insistait pour inspecter le contenu de la conserve !

Avec le temps, j’avais pris l’habitude de lui faire sentir le contenu de la boîte quand elle ne contenait pas de thon, une fois ouverte pour le calmer un peu. Sinon, il n’avait de cesse de miauler et de s’étirer de tout son long contre le comptoir pour attirer notre attention. Alors, je lui présentais la conserve, assez proche de son museau, pour qu’il ne tente pas de la rapprocher avec ses puissantes pattes. Du sirop d’érable, ah d’accord. De la sauce tomate, oh intriguant ! Des pois chiches, ça sent chichement fort. De la soupe au poulet, miam ! Selon le contenu, je lui laissais sentir plus ou moins longtemps, parce qu’il y avait des choses qui l’intéressaient quand même, comme les odeurs fortes, les crèmes, les trucs tomatées (étrange, mais vrai) et pour tout ce qui contenait de la viande ou du bouillon de viande, je devais me méfier de lui. N’empêche que bébé chat comprenait la différence entre ce que nous avions l’habitude de partager avec lui (seulement du thon et quelques lampées de lait de temps à autre) de ce que nous ne lui donnions pas, pas volontairement du moins, les incidents, ça arrive. Ainsi, en lui démontrant bien que la boîte de conserve ne contenait pas de thon, il nous lâchait. Il restait proche, mais il redevenait notre ombre silencieuse.

J’aime le thon par moment, néanmoins, je ne suis pas une grande amatrice de thon en conserve. Si j’ouvrais une conserve une fois par mois, et même pendant quelques années, une fois par semaine au moins, c’était avant tout pour en partager le contenu avec notre adorable chenapan. D’ailleurs, nous achetions les petites conserves et en réservions environ la moitié au chat, au grand dam de mon conjoint qui lui adore le thon en conserve ! Pour moi, après la mort de Clément, j’ai pensé ne plus jamais vouloir manger de thon en conserve. Non seulement cet aliment est très fortement lié à lui, mais en plus, j’avais ouvert une conserve de thon la veille de la détérioration soudaine de son état de santé, ceux et celles qui ont lui « Coincée dans la boucle des derniers moments de Clément » s’en rappeleront peut-être. Alors, le thon, ça semblait fini pour moi au début de ce deuil. Le temps a toutefois fait son effet, le choc initial suivant les derniers moments passés en compagnie de Clément s’est quelque peu estompé, du bannissement total de l’aliment préféré de Clément, j’en suis venue à considérer l’intégrer à nouveau dans les menus de nos repas. N’empêche que, si ça n’avait été que de moi, nous ne l’aurions pas ouvert cette semaine cette conserve de thon. Cela aurait probablement attendu plus longtemps encore. Cependant, mon conjoint avait mentionné à quelques reprises dans les deux dernières semaines, lorsque venait le temps de discuter de ce que nous mangerions pour souper, des solutions-repas incluant du thon. J’ai senti que cet envie pouvait être en partie motivé par un besoin de franchir une étape pour lui dans son deuil. Et il y a quelques soirs, en considérant les options de repas, j’ai proposé de faire notre traditionnel et rapide plat de pâtes, fromage et thon. J’espère que ça lui a fait du bien.

Au final, je dirais que l’expérience a été moins difficile que je pensais, de manger à nouveau du thon. Toutefois, quand mon conjoint m’a proposé d’ouvrir la conserve de thon, je ne me suis pas obstinée avec lui. Juste penser ouvrir la conserve faisait monter les larmes à mes yeux… Une fois ouverte, l’émotion s’est dissipée sufisamment pour que je puisse apprécier un repas simple et toujours savoureux qui me rappelera toujours ces petits moments de plaisir partagés avec Clément autour d’un repas presque commun. Ah quelle joie c’était que d’ouvrir une conserve de thon et de lui verser quelques cuillerées dans un petit bol ou sur une petite assiette et de le voir dévorer goûlument son poisson préféré !

Mément aimait tellement le thon. Il semblait reconnaître les mots thon et tuna, nous en étions venus à épeler le mot pour éviter de l’exciter d’avance quand nous discutions, mon conjoint et moi, de nos plans pour le prochain repas. En effet, dés que notre chaton surprenait thon ou tuna dans la conversation, il devenait impatient et exigeait son dû là tout de suite. Comme on dit au Québec, il devenait « fou comme de la marde ». Il semblait reconnaître la forme distincte de la conserve. Pas surprenant comme nous n’achetions pas d’autres conserves plates comme celle de thon en général. Ainsi, il ne fallait pas qu’il nous surprenne à manipuler une des conserves pour les ranger, sinon, il s’égosillait à réclamer « ses » flocons de thon. C’est drôle quand j’y songe les stratégies que nous avons dû employer pour ajuster les attentes de notre félin filou.

Clément avait compris qu’après l’ouverture d’une conserve, il en recevrait une petite dose journalière pour les deux-trois jours suivant l’ouverture. Il était donc plus insistant pour obtenir ce qu’il savait l’attendre au réfrigérateur dans ces jours-là, mais une fois que je lui disais que c’était la dernière portion de thon, il se calmait. Cela ne signifiait pas pour autant la fin des miaulements dans la cuisine, simplement, ceux-ci étaient moins vocaux et beaucoup plus modérés que les jours de thon. Encore là, un fait qui me fascinait des jours de thon, c’est qu’une fois que Clément avait reçu sa portion de thon de la journée, il paraissait sustenter et ne quémandait plus de la journée au réfrigérateur. Il avait obtenu ce qu’il voulait, il était confiant qu’il en aurait à nouveau sous peu et ça lui suffisait. Il n’était pas un chat vorace, nous n’avons jamais eu besoin de le tempérer dans ses ardeurs gourmandes. Il fallait juste parfois insister pour qu’il finisse les dernières croquettes avant de lui donner une poignée fraîche… Très chat après tout.