Deuil en cours

C’est difficile de me situer dans mon deuil ces temps-ci. D’un côté, ma nouvelle routine sans Clément est de plus en plus établie. Il reste de la place pour m’ajuster ici et là, mais en gros, la base semble bien ancrée. De l’autre, je me sens parfois un peu perdue, un trou demeure dans ma vie, qui me déstabilise encore par moment. Il m’arrive parfois de me sentir fâchée de la situation, du monde, de Clément… Les larmes me surprennent quand je m’y attends le moins. Un instant, tout semble aller, puis je bascule d’un coup. Elles coulent tout de même plus doucement, plus aisément, moins longtemps, sauf qu’elles sont plus amères. Le choc s’est aménuisé, à force d’avoir encaissé chaque après-coup, l’intensité des émotions qui m’habitent depuis la mort de Clément a diminué. N’empêche que je ne serais pas prête à dire qu’elles se sont allégées, c’est plutôt une question de nuances. Je me suis habituée à côtoyer la présence de son absence.
D’un côté, le cours des choses est plus fluide qu’il y a un Les jours défilent sous mon train-train quotidien. De l’autre, je dois encore contourner les écueils qui pullulent malgré tout. Le maintien de la fluidité dépend maintenant plus de ma capacité à anticiper ces derniers, à les cerner et à les parer, par des gestes mille fois répétés, par des recours mille fois empruntés, par des mots mille fois écrits ! Mon deuil m’est devenu suffisamment familier pour que vivre avec soit devenu moins difficile. Cependant, je sens bien que je ne suis pas prête à mettre fin à certains gestes auxquels je ne pensais pas me raccrocher si longtemps. Je continue de tenir près de moi Tenzen, la peluche renard, durant la nuit ou une autre peluche si je dors hors de la maison, principalement Clément II. Je dépose encore sur le sol mon bol ou mon verre contenant les dernières gouttes de lait que je ne finis pas. Il y a aussi certaines activités que je pensais reprendre avant la fin du printemps et auxquelles je n’ai toujours pas touché, dont la plupart de celles que j’avais nommé dans mon dernier exercice de listes de mars.
Ma vie sans Clément continue et j’y recherche activement de nouveaux repères, bien que j’en ai déjà trouvé un grand nombre. D’un côté, je dirais que je me suis sentie mieux dans les dernières semaines qu’à toute autre période traversée depuis le décès de mon vieux chaton. C’est principalement la constance de ce mieux-être qui distingue cette période des autres. Les creux me paraissent moins profonds. De l’autre, je ressens souvent une forme de décalage entre mon sentiment de bien-être et mon deuil. Sous cet écart, je dirais qu’il y a un peu de culpabilité de ressentir autant de joie en l’absence de Clément, un brin d’apathie qui absorbe l’intensité de toute émotion sur son passage, un soupçon de résignation pour ce qui ne peut être changé et une pincée de chagrin qui ne demande qu’à surgir. Jusqu’à présent, je comprennais difficilemment cette impression de décalage. Maintenant que je l’ai verbalisé, ça me paraît plus limpide, en espérant que ça aide !
Au final, je pense que la recette que je mijote depuis plusieurs mois semble efficace et que je dois simplement continuer de l’appliquer et de la raffiner. Quelques actions occasionnelles qui me rappellent ma routine avec Clément ; du temps pour mes petits plaisirs quotidiens de lecture, de visionnement, de partage, de cuisine et de jeux ; de la recherche de contenus réconfortants et inspirants qui contribuent à mon bien-être ; des mots et des traits posés sur le papier et à l’écran régulièrement ; des petites sorties assez fréquentes, seule, en couple, entre amis ou en famille ; quelques projets et défis pour me motiver à avancer.
Le titre de ce billet est ma traduction d’une réplique assez célèbre d’un film des années 80 que j’affectionne énormément, The Adventures of Buckaroo Banzai Across the Eight Dimension : « Cause remember, no matter where you go, there you are. ». Cette phrase m’a souvent aidé dans le passé, du vivant de Clément (il a d’ailleurs visionné plus d’une fois ce film avec mon conjoint et moi). Parfois, quand on n’arrive plus à se situer, se rappeler où on est dans le moment présent est un bon point d’ancrage. Ça représente bien ce que je tente de faire avec mes petites mises au point ponctuelles sur mon cheminement d’endeuillée.
Pour la photo-montage, c’était une de mes anciennes images de couverture sur mon profil personnel Facebook qui réunit cette citation que j’aime beaucoup avec le nom d’une confiserie qui se targuait de vendre des bonbons de presque tous les pays du monde dans une minuscule communauté de la Saskatchewan, Mortlach, que nous avions visité en 2009 (avec Clément II). Malheureusement, ce commerce n’a pas fait long feu et a fermé avant que je puisse y retourner. Il me reste cette photo et le souvenir de cette visite merveilleuse.

Mise à jour à propos de mon four : si tout va bien, je devrais avoir un four fonctionnel quelque part durant la journée de mercredi. Le rendez-vous n’a donc pas été devancé, mais au moins, aura lieu la journée prévue, après le premier report. Je croise les doigts.




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