Miaougraphie de Clément

Tranche de Miaougraphie du lectorchat un peu vague

En juin 2023, je posais la question à savoir si les chats étaient des lecteurs avides ou de grands hypocrites. Le jury débat encore sur la question, malgré que vos commentaires sur ce billet étaient plutôt favorables pour considérer les chats, ou du moins, Clément comme un avide lecteur.

Les chats sont des lecteurs avides ou de grands comédiens.

J’avais envie de revisiter un peu le sujet, parce que j’ai trouvé récemment, comme je vous ai raconté, de nombreuses photos de notre petit roi dans sa jeunesse dont plusieurs le montrant sous son jour de lecteur en herbe. Ce ne sont pourtant pas les portraits de Clément les plus réussis, la plupart pouvant être classé dans la série récemment entamée des clichés ratés, flous et/ou mal cadrés de bébé chat. N’empêche que ces souvenirs de mon lecteur à fourrure préféré occupent définitivement une place spéciale dans mon cœur. Dans ceux que je vous partage aujourd’hui, il y a entre autres une tentative de selfie de moi lisant avec Clément couché sur moi, tout jeune puisqu’il arborait ce cône peu confortable qu’il n’a porté qu’une fois dans sa vie, après avoir été stérilisé. Faute d’arriver à lire et à cadrer la photo avec mon cellulaire de l’époque (il y a plus de quinze ans quand même), j’avais opté pour prendre plusieurs photos le montrant sur mes jambes avec pas beaucoup plus de succès en fait.

Quoi que ce fut une réussite à au moins un égard : consigner un moment très simple, que j’aurai oublié autrement. En fait, avant de retrouver cette série de photos dont vous trouverez deux photos ci-dessus, j’avais oublié ce moment-là. Même avec les photos, je ne peux dire que je me souviens spécifiquement des détails de ce moment. Ainsi, ne me demandez pas quel livre Clément et moi lisions durant cette session lecture, je ne saurais dire. Tout ce que je peux raconter de ce moment, c’est ce que je peux déduire des photos que j’en ai pris ainsi que leur qualité relative. À mes yeux, Clément semblait très concentré sur cette lecture en tout cas. Quand je parle de ces moments ordinaires qui fuient ma mémoire, mes périodes de lecture avec Clément en font partie. Bien que j’ai certains souvenirs plutôt généraux de ces heures passées à lire ensemble et quelques-uns plus spécifiques, c’est très peu au vu de la durée de tous ces moments mis bout à bout. D’ailleurs, en préparant cette deuxième partie sur Clément et les livres, je me rends compte que j’ai peu de photos de Clément en lien avec la lecture dans les cinq dernières années de sa vie, pourtant une des périodes durant laquelle nous avons le plus lu ensemble. Néanmoins, vu l’importance que revêt ces instants auprès de mon chat-lecteur préféré, je ne crains pas de perdre ce dont je me souviens, aussi flous soient ces souvenirs. Je sais que ça se compte en centaines d’heures de lecture, en milliers de pages tournées de romans, de magazines, de bandes dessinées, d’albums, mais surtout, le plus important, en une tonne d’aventures que nous avons vécues par procuration tous les deux.

Pour en revenir à savoir si les chats sont des lecteurs avides ou non, peut-être que dresser un portrait des habitudes et préférences de lecture de tous ces chats-lecteurs, dont Clément faisait partie et que nous pouvons nommer le lectorchat, aiderait à trancher le débat si controversé (pas vraiment). C’est l’exercice que je me propose d’entamer aujourd’hui. Bien entendu, moi, je peux seulement me baser que sur mon expérience avec Clément. Je vous invite donc à vous poser les mêmes questions que je me suis posée en pensant aux félins que vous avez bien connus.

Est-ce que les chats ont des routines de lecteurs ?

Dans les photos ci-présentes de notre vieux chaton, pour la plupart rescapés sur d’anciens CDs de sauvegarde, j’y trouve entre autres plusieurs des façons originales que notre roi avait trouvé pour se cultiver sur le monde humain ; sous un livre, sur des livres, par osmose en traînant proche de nos bibliothèques, avec une seule patte. Il ne semble pas y avoir de tendances qui se dessinent dans les habitudes de lecture de Clément. Ainsi, il avait plusieurs approches de lecture qui ne semblaient pas avoir de logique particulière. Par exemple, dans la sélection de photos ci-dessus, bébé chat côtoie deux ouvrages de référence sur la langue française de façon très différente, une fois supportant le livre sur son dos et l’autre fois, étirant sa patte sur le dessus de la couverture. Il avait bien des moments de lecture habituels avec moi. Néanmoins, il pouvait lire à d’autres moments de la journée sans problème. Son endroit préféré était clairement dans la yellow room sur le divan-futon ouvert comme un lit de jour, quoi que la salle de bain lui allait de temps en temps pendant que je sauçais dans le bain, puis il ne détestait pas lire au lit, bien que nous avons peu eu l’occasion de le faire comme je me couche plus tard que mon conjoint. Ainsi, je ne pense pas que nous puissions dériver des préférences de Clément une routine de lecture féline, quoi qu’un élément de cette routine parait identifiable sans l’ombre d’un doute et c’est que cela incluait beaucoup d’heures d’assoupissement pour mijoter toutes les informations lues, toutes les péripéties vécues avec les personnages, comme si bien illustré par cet artiste japonais, Yutaka Murakami. Le reste varie sans doute beaucoup d’un chat-lecteur à l’autre.

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Sans doute que la routine doit aussi être influencée par les humains entourant le chat, mon vieux chaton avait clairement adopté en bonne partie mes habitudes de lecture, malgré qu’il en avait développé quelques-uns par lui-même, profitant entre autres des livres que mon conjoint, principalement, laissait traîner à sa portée ce qui permettait à Clément de lire en solo. Oh moi aussi, il m’arrivait de déposer des livres à un endroit où il tendait à s’installer comme sur le divan ou sur la table de cuisine. Seulement, c’était plus rare. N’allez cependant pas penser que je range bien mes livres sur mes étagères immédiatement après avoir tourné la dernière page. En général, je les empile dans un coin jusqu’à ce que je me décide à tenter de leur trouver une place dans mes bibliothèques, mais voilà, ces endroits où je tends à les laisser n’étaient pas très accessibles à bébé chat ou du moins, n’était pas dans un endroit où il s’installait en mon absence. Quoi que peut-être qu’il ne sentait pas le besoin de passer du temps en solo avec mes livres lus, simplement parce que nous lisions, Clément et moi, ensemble la plupart du temps. Ainsi, il disposait de suffisamment de temps avec mes livres pour les finir sans requérir plus de temps par lui-même, bien que je traîne souvent mes livres en cours en dehors de la maison. Il devait donc lire plus vite que moi, parce que j’en lisais souvent une bonne partie sans lui, surtout hors de la maison, mais aussi parfois dans la maison sans qu’il m’accompagne.

Qu’est-ce que les chats aiment le plus lire ?

Mon expérience avec Clément m’indique que le lectorchat comprend des félins aux goûts très variés, très éclectiques à en juger par la grande diversité de livres qui semblait lui plaire. Il ne dédaignait aucun genre, aucun format, aucun sujet ; du roman aux journaux, de la non fiction aux littératures de l’imaginaire, du manga aux œuvres les plus classiques. Ci-dessus, vous le trouverez même en train de chercher Waldo, ou comme on l’appelle en français, Charlie ! Je pense toutefois que Clément appréciait moins les lectures qui généraient de fortes réactions chez moi. La tension trop palpable d’un livre au suspens haletant dérangeait son paisible sommeil, tout comme mes rires tonitruants (par chance, c’est rare que j’éclate de rire en lisant, souvent je ris intérieurement). Mes vives réactions qui me faisaient me relever partiellement ou bouger mes jambes soudainement surprenaient aussi désagréablement mon vieux chaton et le sortait de sa douce torpeur, au point où il me jetait parfois un regard désapprobateur ou, du moins, du genre « je-ne-suis-pas-impressionné ». Peut-être qu’il trouvait surtout que je troublais son rythme de lecture par mes réactions trop humaines.

Comment fait le lectorchat pour exprimer leur appréciation sur leurs lectures ?

Là, j’avoue que ça me dépasse. Est-ce que le mordiller gentiment est un signe d’assentiment ou de dissension avec l’auteur-trice ? Clément ne mordillait pas tant, sauf les journaux, les feuilles de papier non reliées, les magazines. Je ne pense pas pour autant qu’il appréciait moins ces types de lecture. Est-ce que vouloir dévorer un roman littéralement est une démonstration d’appréciation ou une critique cinglante ? Clément n’a jamais fait cela, du moins, avec moi, mais j’ai ouï dire que d’autres chats réagissent ainsi à certaines lectures. Je ne saurais dire la signification exacte de cette réaction. Est-ce qu’un roupillon tranquille est une marque que notre petit félin s’est laissé doucement bercé par l’histoire ou qu’il s’est plutôt ennuyé au point de s’endormir ? Notre vieux chaton s’endormait souvent durant des lectures très palpitantes, peut-être que le sommeil aide les chats à mieux s’imprégner de leur lecture, comme ce que Pierre Pevel révèle des chats ailés peuplant l’univers de son Paris des merveilles. En tout cas, Clément semblait plus souvent qu’autrement très confortable et bienheureux durant ses heures d’assoupissement durant nos moments de lecture commune. Est-ce qu’une patte posée sur la couverture ou contre la tranche signifie d’arrêter ce supplice ou de continuer plus lentement pour se délecter de chaque mot ? Il y a des moments où Clément semblait de son mouvement définitivement dire de poser le livre, l’abaissant d’un coup de patte ou couvrant une partie du livre de son corps, surtout durant des lectures partagées avec mon conjoint. Cependant, n’était-ce pas plutôt pour rappeler à ses humains de prendre une pause, de s’hydrater, de se nourrir, de jouer un peu ?

J’imagine qu’il faut quelques observations de plus pour bien lire les réactions félines à la littérature. Les mouvements de la queue semblent-ils irrités ou contents ? Les oreilles sont-elles dressées ou aplaties ? Clément ronronnait assez souvent durant nos heures de lecture ensemble, la présence de ronronnement doit être un signe universel d’appréciation. Quoi que les chats ronronnent aussi pour s’apaiser apparemment… ainsi, peut-être ronronnent-ils si la lecture en cours les stressent ? N’empêche que je pense qu’en observant le langage corporel et les réactions audibles de nos amis félins durant la lecture, s’il y en a, on peut mieux se prononcer sur leur niveau d’appréciation du ou des livres en cours. Cela étant dit, je serais très curieuse de savoir si vous pensez qu’il existe quelques signes « universelles » d’appréciation féline de leur lecture.

En conclusion, je suis consciente qu’il est ardu pour nous, humain-es, de comprendre la relation entre livres et chats. J’essaie souvent d’interpréter la vie de Clément sous ma lunette d’humaine et en tirer des leçons sur ses semblables, anthropomorphisant assez souvent les comportements de mon félin, que ce soit par rapport aux livres ou un autre sujet. Je le faisais déjà de son vivant, sans toutefois consigner mes observations systématiquement. La Miaougraphie de Clément m’a offert une raison pour rassembler ces petites pensées et les mélanger à mes souvenirs de notre adorable souverain. Anthropomorphiser me permet de mettre en parallèle mon existence avec la sienne et aussi combler tous ces trous que ma perception humaine ne peut autrement appréhender. Néanmoins, ça ne demeure que des interprétations qui ne s’appuient que sur des preuves circonstancielles ainsi que sur ma connaissance des traits de personnalité de mon Mément. Depuis sa tendre jeunesse, j’aime l’idée que bébé chat apprenait des tas de choses sur le monde perçu par les humain-es et vivaient toutes sortes d’aventures rocambolesques grâce aux différents médiums culturels – livres, mais aussi films, séries, musique, etc. – auxquels il avait accès grâce, ou malgré, nous. Que Clément aimait la lecture en tant qu’activité en soi ou en tant que moment privilégié pour profiter de la présence d’un de ses humains importe peu au final. Le plus important est qu’il ait passé de beaux et doux instants avec nous durant ses nombreuses heures de « lecture ».