Miaougraphie de Clément

Deuil en cours sur fonds de tranche de Miaougraphie

Je soulignais tout récemment le passage de neuf ans à mon emploi actuel. Ça me paraît plutôt incroyable, surtout que j’ai commencé par un contrat temporaire de moins d’un an qui ne semblait pas du tout destiner à devenir plus… et puis, il s’est prolongé, puis j’ai eu l’occasion de faire d’autres tâches, qui m’intéressaient plus que celles pour lesquelles j’ai été embauchée au départ, et puis j’ai reçu un contrat renouvellable d’un an, qui est devenu éventuellement une permanence, et puis, j’ai eu ma première promotion moins d’un an après cette permanence, j’ai appris de nouvelles tâches et puis, j’ai décroché cet été une affectation temporaire pour un niveau de poste plus élevé.

Que de jalons, que de méandres, durant ces neuf ans ! Et retracé le tout le jour de cet anniversaire m’a fait réaliser que Clément m’a accompagné durant la plupart des phases marquantes de ce parcours. Il était près de moi quand j’ai commencé, quand mes tâches ont évolué, quand mon horaire de variable est passé définitivement à du temps plein, quand je me suis installée un bureau pour le télétravail à temps partiel, quand j’ai eu ma permanence. Et il était encore en vie auprès de nous quand j’ai eu ma première promotion ! Clément a d’ailleurs été une de mes motivations à persévérer dans la semi-stabilité que m’offrait ce poste temporaire au fil de ces premières années mouvementées. Mon employeur ne le sait pas, mais c’est sans doute un peu à cause de mon vieux chaton que je suis où j’en suis en ce moment.

Après tout, son influence sur mon travail, ou vice-versa, l’influence de mon travail sur la vie de Clément était assez discrète et indirecte. Durant la majorité de mes premières années à cet emploi, je travaillais exclusivement au bureau (et je faisais un effort si possible pour ne pas porter des vêtements couverts de poils quand je me rendais au bureau, du lundi au vendredi). Je partais le matin, assez tôt en général et je saluais rapidement Clément, l’intimant à être sage, à garder la maison en notre absence et lui donnant quelques indications de l’heure approximative de mon retour. Au boulot, j’étais concentrée et Clément occupait peu mes pensées. Au retour, j’étais souvent trop fatiguée pour faire la fête à mon félin qui attendait de pied ferme à la porte ou pas loin. Dans les périodes de grand stress, je m’installais souvent pour finir la soirée dans notre tannière à tout deux, la yellow room que j’ai déjà évoqué ici ou là, pour lire. Clément venait souvent m’y rejoindre (parfois, après que je sois allée le chercher deux fois déjà pour lui montrer où j’étais et ce que je faisais).

Quand je finissais très tard (ça m’arrivait de faire un chiffre et demi dans les deux-trois premières années), je compensais souvent mon absence en offrant du lait ou du thon à mon petit roi. J’étais contente de commencer du télétravail au printemps 2021, même si ce n’était qu’une journée par semaine et que je n’étais pas toujours en mesure de le faire régulièrement à toutes les semaines au début dû aux besoins opérationnels et à la nature de mes tâches à l’époque. Je savais déjà, à ce moment-là, que le temps avec Clément était compté, juste parce qu’il vieillissait, bien que ça ne paraissait pas toujours comme il se comportait encore en chaton têtu.

Durant mes préparatifs de déménagement, j’ai retrouvé pas mal de photos dont je ne me rappelais pas ou que vaguement de leur existence, puisque j’en ai profité pour vérifier systématiquement toutes les cartes de mémoire, clés USB et autre support qui me tombaient sous la main pendant que je faisais mes boîtes. Ces photos déterrées des fonds numériques incluaient celles que j’ai prises de Clément qui m’accompagnait lors d’une de mes séances de télétravail à mon emploi actuel (j’avais précédemment occupé un autre emploi à temps partiel exclusivement en télétravail, pas de photo de cette époque-là). Trouver ces photos ne fut pas une surprise entièrement. J’étais sûre que ces photos existaient, mais les seules de prise de Clément dans mon ancien bureau de travail à la maison/bibliothèque que j’avais retracées étaient un peu plus récentes et moins évocatrices que celles que j’avais en tête. Eh bien, j’avais raison, j’avais pris d’autres photos de Clément « en télétravail » avec moi ! Je les ai trouvés sur une carte microSD qui était auparavant dans mon téléphone et que j’avais égarée. Je n’avais jamais exporté ces photos sur un autre support, d’où le fait qu’elles étaient portées disparues.

Sur les deux premières, il faut le savoir que nous télétravaillons, parce que ce sont des selfies de Clément et moi assis devant nos écrans qui sont hors-cadre. Puis, la dernière, dont j’ai flouté l’écran visible, montre Clément concentré sur notre travail. C’était en fait un running gag dans notre foyer que Clément travaillait à notre place durant nos jours de télétravail. Quoi que c’était surtout mon conjoint qui le sortait (ou qui suppliait notre roi de le remplacer au boulot quand il n’avait pas envie de se lever ou de reprendre après sa pause), plus que moi. Malgré ces photos, Clément passait peu de temps près de moi dans mon bureau, qui, faut l’écrire n’était pas tout à fait adapté à sa majesté notre chat. Aucun espace sur le bureau trop petit pour qu’il puisse même songer à sauter dessus, rien de proche qui puisse lui servir de piédestal ou de lit, tablette pour clavier trop basse pour qu’il puisse se tailler une place sur mes genoux. N’empêche qu’une journée de plus en télétravail signifiait non seulement que je pouvais passer mes temps de pause proche de lui et « revenir » plus vite du boulot, mais aussi que je pouvais interrompre brièvement mon travail pour chercher Clément et l’embêter quelques secondes avant de retourner à mon travail, et ces petits moments volés étaient très précieux.

Le télétravail m’a permis de passer plus de temps avec Clément durant ses dernières années de vie et de partager avec lui une partie de ma vie auquel il n’avait auparavant pas accès. Ce fut aussi le cas pour mon conjoint, encore plus, comme il a commencé à faire du télétravail un peu avant moi et à temps plein au début, puis trois jours/semaine. Néanmoins, Clément intervenait beaucoup plus durant son travail, même durant les appels et les réunions en vidéoconférence. Sans doute que le bureau de mon conjoint situé dans la chambre, et près de la fenêtre, rendait le tout plus attrayant à notre vieux chaton. Les photos ci-dessus démontrent Clément au travail auprès de mon conjoint. N’a-t-il pas l’air d’un digne chat d’affaire très important ?

Difficile à dire si Clément avait simplement un sens des affaires très développé ou s’il aimait juste se donner des airs distinguées ? En tout cas, son costume préféré, je pense, sera toujours ses deux cravates quasi-identiques, plus que ceux d’Halloween que nous lui avons fait essayer.