Retour en parallèle de mes lectures du African-American History Month Challenge

Défi culturel

Je vous ai présenté dans mon roadmap des défis partagé il y a peu ma PAL en lien avec le African-American History Month Challenge, qui se déroulait du 1er au 29 février 2024, créé et organisé par Enna du blog Enna lit, Enna vit!. Le défi s’est terminé il y a peu, mais vu qu’Enna acceptait que nous publions nos derniers avis en mars, j’ai décidé de finir le dernier livre qui me restait avant de publier mes avis et récapitulatifs. Ce défi aura été court pour moi, mais la quantité ne reflète pas la diversité et la richesse des trois lectures que j’ai réalisées.

Inspirée par les chroniques en pagaille d’Audrey du blog Light and Smell, je vous partage mes trois avis en un billet. Cependant, vous verrez, ce n’est pas totalement en pagaille, parce qu’il y a des liens à établir entre chacun de ces livres, car, sans le savoir au préalable, ces trois lectures ont été liées par plus que le fait que leur auteure est une femme Noire. C’est sûr que leurs origines et expériences partagées ne doivent pas être étrangères à ces choix, néanmoins, certains des thèmes qui les relient auraient pu être très différents, surtout que leurs formats et publics sont assez divergents. Avant d’entrer dans le vif de chaque oeuvre, je vous présente ce qui m’a marqué dans ces parallèles entre ces trois lectures. J’insiste sur ce qui m’a marqué moi personnellement, parce qu’on ne lit pas dans un vide culturel, politique, social et émotionnel, ces parallèles qui pour moi, aujourd’hui, sont très présents pourraient ne pas paraître si prégnants pour une autre personne ayant lu ou lisant ces trois ouvrages. Alors, à part que chacun de ces livres ait été écrit par une femme Noire, ce qui les lient sont les thèmes du deuil, du traumatisme et de la colère. Ces trois lectures m’ont marqué d’une façon indélébile et je suis encore en train de digérer les émotions et les réflexions que chacune a engendrées.

All about love : new visions de bell hooks

Il n’y a pas d’erreur dans la façon d’écrire le nom de l’auteure de cet essai, c’est la graphie qu’elle avait choisie pour son pseudonyme. bell hooks était une poétesse, féministe, militante et universitaire Afro-Américaine. Elle est décédée en 2021. Dans cet ouvrage, bell hooks questionne la conception de l’amour de nos sociétés modernes et nous propose sa vision de l’amour comme un acte, plutôt que seulement un sentiment. Elle nous offre une définition de l’amour, l’amour de soi, l’amour romantique, l’amour des autres, basée sur les quelques ouvrages osant traiter de l’amour qui on précédé son essai. Parce que si on vend beaucoup de livres à teneur romantique, sur le développement personnement ou encore les relations amoureuses, peu de gens ont théorisé l’amour, encore moins offert une définition. Un constat que bell hooks faisait au début des années 2000 dans All about love : new visions et qu’Erich Fromm avait fait presque cinquante ans avant. Je cite Fromm, bien que bell hooks réfère très peu à l’ouvrage de ce dernier ( et j’ignore pourquoi, parce qu’il me semble que leurs constats se rejoignent sur plusieurs dimensions de l’amour), puisque c’est le seul autre auteur que j’ai peronnellement lu qui a abordé dans son The Art of Loving le sujet de l’amour d’une façon comparable . Si l’approche de Fromm était déjà anti-capitaliste, l’approche de bell hooks à l’amour se veut en plus féministe. La perspective que nous offre bell hooks est également plus personnelle que Fromm, comme elle utilise ses expériences et ses luttes internes pour illustrer sa vision. Les traumatismes de son enfance et de relations amoureuses tumultueuses qu’elle a vécues en grandissant, le manque d’amour qu’elle a vécu et tenté maladroitement d’abord de combler, nous offrent un aperçu unique sur son cheminement pour apprendre à aimer et à faire de l’amour une priorité et même une façon de vivre.

All about love : new visions est une critique constructive de notre rapport à l’amour ainsi qu’un cri de rage et d’espoir de bell hooks pour que nous apprenions à réellement aimer et à mieux aimer, afin de construire des bases plus solides et conviviales pour nos sociétés. Une traduction française existe, l’édition la plus récente (ou la seule, je n’ai pas trouvé de plus anciennes, mais je n’ai pas cherché énormément non plus) datant de 2022 chez les Éditions Divergence. De ce que je comprends, bell hooks a poursuivi ses réflexions sur l’amour et aussi sur la justice sociale dans d’autres essais et je compte bien en lire plus éventuellement. Dire que All about love : new visions m’inspire beaucoup est trop peu. Je sens que les réflexions d’All About Love : new visions m’accompagneront longtemps, tout comme celles qui ont suivi ma lecture de The Art of Loving d’Erich Fromm m’habite encore des années après sa lecture. Je retiens particulièrement, cette partie vers la fin de son essai où bell hooks aborde les relations à la mort de nos sociétés modernes, le deuil et l’amour. Je compte d’ailleurs vous revenir plus en détails sur cette partie de son essai plus tard, comme les mots de bell hooks ont résonné très fort en moi.

Flowers for the Sea de Zin. E. Rocklyn

Flowers for the Sea est une novella de fantasy, aux limites de l’horreur, racontant les derniers moments de la grossesse d’une femme qui ne veut pas de l’enfant en elle et qui est marginalisée par ses pairs, les côtoyant tout de même de près comme ils sont pris ensemble sur un bateau au milieu d’un océan hostile où d’étranges créatures agressives veillent. Dans la présentation de cette novella, on utilise l’adjectif gothique, mais je ne peux pas dire que j’ai particulièrement ressenti cet aspect, à moins qu’on ne parle que de l’ambiance horrifique paranormale. Cela ne m’a pas empêché de grandement apprécié ce court récit qui vibrait d’une colère puissante. Si la rage de bell hooks est plutôt contenue et à peine visible derrière son coeur ouvert, la colère de Zin E. Rocklyn est palpable et pas qu’à cause de cette dédicace qui précède le récit : « To Courtney, for teaching me that my anger is a gift ». Dans le récit, cette colère est prêtée à Iraxi qui vit, ostracisée, la violence d’une grossesse non désirée tout en devant composer avec le deuil suivant la mort de ses parents et ses frères et soeurs, puis la fuite loin des terres ancestrales inondées. J’allais écrire désagréments de la grossesse, mais violence se prête mieux à comment est décrit ce que subit Iraxi. L’aspect du deuil est moins dominant dans ce livre que dans les deux autres, bien qu’au final, on comprend que c’est celui qui inspire le plus de colère en Iraxi et qui la motive.

C’est très court, je ne vous en dirai pas trop. C’est une lecture qui est exigeante, pas en temps, mais en émotions. Il faut être prêt à vivre cette colère, à lire cette brutalité à laquelle elle est confrontée, à ne pouvoir pleinement comprendre les traumatismes qui l’habite comme peu d’éléments de contexte sont révélés, même au bout des 104 pages. Ça n’aura pas été un coup de coeur, plutôt un coup de poing révélateur. J’ai apprécié cette lecture et lirai volontiers d’autres titres de cette auteure. J’ajoute quelques notes sur l’auteure comme ça donne un peu de contexte Zin E. Rocklyn se définit comme Queer et neuroatypique composant avec des troubles de dépression, d’anxiété et de stress post-traumatique , est d’origine trinidadienne et habite à Brooklyn. Flower for the Sea n’est pas traduit en français.

Bloodmarked de Tracy Deonn

Ma toute dernière lecture de ce challenge est encore très fraîche, je l’ai fini hier matin seulement. Bloodmarked est le deuxième tome de la série Legendborn Cycle. Je constate que les deux tomes de la série sont traduits en français, sous les titres Légendes-Vives (Legendborn) et Marquée au sang. Cette série présente une revisite du mythe du roi Arthur et de la Table Ronde moderne sur fond de dark academia (cet aspect est plus présent dans le premier tome ; la société secrète étant sortie du contexte académique dans le deuxième tome). Une jeune femme Noire sur les traces de sa mère récemment décédée découvre une société arthurienne secrète et ancienne combattant depuis des siècles les Shadowborns ou démons. Comme c’est un deuxième tome, je ne rentrerai pas dans le vif de l’histoire. J’ai lu le premier tome à l’automne 2022, avec Clément à mes côtés et j’avais oublié certains détails de l’histoire qui m’ont frappé quand j’ai ouvert le deuxième tome. Dans les premiers temps de mon deuil de Clément, j’ai référé à quelques reprises au fait que plusieurs des lectures que j’avais fait dans l’année précédente avaient abordé le deuil, sans que je ne choisisse consciemment ce thème. J’avais oublié que dans ces lectures, figurait Legendborn.

Le deuil est en effet un thème très fort dans le premier tome et demeure une trame importante dans ce deuxième tome. Le racisme et les traumatismes intergénérationnelles sont de leur côté explorés plus en profondeur que dans le premier tome. L’héroïne, Bree, est descendante d’esclaves Noirs et découvre qu’elle est bien malgré elle liée à cette société arthurienne représentant le pouvoir des riches blancs. La colère de Bree, omniprésente du premier tome au deuxième, fait écho à celle d’Iraxi dans Flowers for the Sea, une colère engendrée par le deuil, par les traumatismes présents et passés que ces deux héroïnes très différentes ont subi, par leur rejet du destin qu’on leur impose. Toutefois, dans Bloodmarked, il est plus question d’acceptation, d’amour de soi et de reconstruction que dans Flowers for the Sea. Ça ne signifie pas que l’espoir est plus fort dans Bloodmarked que dans Flowers for the Sea pour autant. Disons tout bonnement que Bree a encore bien des démons à affronter, littéralement et figurativement.

J’avais adoré le premier tome, et le deuxième tome ne m’a pas du tout déçu et m’a réservé de nombreuses surprises qui me fait trépigner d’impatience de lire la suite qui , malheureusement, n’est pas encore parue. J’entretiens une relation particulière avec le mythe arthurien comme c’est une de mes premières expériences avec l’epic fantasy. J’étais dubitative avant de commencer cette réécriture. Au final, j’ai été plus qu’agréablement surprise par comment Tracy Deonn a utilisé le mythe d’Arthur pour aborder des sujets comme le deuil, le racisme, la colère, le traumatisme en plus des sujets plus typiques de la littérature YA. Je trouve qu’elle a réalisé un tour de force, purement et simplement.


Mes trois lectures dans le cadre du African-American History Month Challenge se sont répondues de bien des façons ce qui devrait renforcer ce que je retiendrai de chacune. J’adore quand mes lectures dialoguent ainsi ; c’est sûr que cela influe quelque peu sur mon appréciation globale de chacune. Alors, en février, j’ai vibré d’une colère juste auprès de bell hooks, Iraxi et Bree, j’ai ressenti beaucoup d’amour aux côtés de bell hooks et Bree, moins pour Iraxi qui, de toute façon, ne voulait pas être aimée et c’était correct ainsi. J’ai compati avec les traumatismes de bell hooks, d’Iraxi et de Bree. J’ai sympathisé avec Tracy Deonn qui, j’ai senti, a beaucoup évolué dans son propre deuil entre la rédaction de Legendborn et de Bloodmarked. Bien que je n’ai pas fait beaucoup dans le cadre du African-American History Month Challenge, y participer m’aura motivé à sortir All about love : new visions, Flowers for the Sea et Bloodmarked de ma PAL et ainsi à effectuer trois lectures très enrichissantes.

Enfin, comme ces trois auteures sont Américaines, je valide aussi ces lectures pour le défi An American Year organisé par Chez Chroniques Littéraires et The Cannibal Lecteur . J’espère d’ailleurs vous revenir avec un premier récapitulatif pour ce challengeavant la fin du mois de mars. J’ai plusieurs lectures, bien que moins nombreuses que j’aurais pensé, des visionnements et même possiblement une recette !

18 réponses à « Retour en parallèle de mes lectures du African-American History Month Challenge »

  1. Trois lectures fortes qui semblent avoir su t’atteindre. Je note le livre de bell hooks qui diffère de ce que j’ai l’habitude de lire mais qui a l’air passionnant.

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    1. Exactement ! J’espère que tu apprécieras ta lecture si tu te trouves une copie. 😊 Moi non plus, je ne lis pas beaucoup de non-fiction dans le genre, et je suis heureuse d’avoir pris le temps de le lire.

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  2. Une belle moisson tout de même! Je t’attends l’année prochaine en février 😉 Merci de ces participations!

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    1. Merci de m’avoir donné la petite poussée qui me fallait pour que je me joigne au challenge. Je pense que je devrais être de retour l’an prochain en effet 😄.

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  3. […] Marie-Luce, miaougraphe : « All about love : new visions » de bell hooks (Essai) […]

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  5. Merci pour ces super chroniques, je trouve ça très émouvant la manière dont tu les as reliées les unes aux autres. C’est génial quand nos lectures se répondent de cette manière !

    Tu m’as tellement convaincue pour le bell hooks que je me suis empressée de l’acheter, merci beaucoup ❤

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    1. Ça me fait plaisir de savoir que mes parallèles t’ont plu. Oui, j’aime faire des liens entre mes lectures, des fois, c’est plus facile
      Oh ! ☺️ Je t’en souhaite une agréable lecture ! J’espère qu’elle nourrira tes réflexions et qu’elle t’inspirera autant que moi. 🩷

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      1. C’est certain, et je n’ai lu que trois chapitres pour l’instant 😉

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      2. J’espère que ta lecture s’est bien poursuivie. ☺️

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  6. bonjour, comment vas tu? sympa tes lectures. je n’en connais aucune. passe un bon mardi et à bientôt!

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    1. Ça va bien, et toi ? Je suis contente de te faire découvrir ces titres. 😄 Bon jeudi !

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  7. Coucou, merci pour les liens, mais question : Flowers for the Sea de Zin. E. Rocklyn est écrit par une autrice américaine aussi ? Parce que je ne trouve pas l’autrice sur Livraddict et sur Babelio, la nationalité n’est pas inscrite… 😉

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  8. Bonsoir Marie-Luce, c’est extraordinaire, ce que tu présentes là ! Relier ainsi tes trois lectures !!! Il faut le faire !!! Mille bravos et bonne fin de soirée !

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    1. ☺️ Merci beaucoup Colette ! J’aime établir des liens entre mes lectures, parfois, c’estbplus facile que d’autres comme avec ces trois lectures. Bonne nuit et beau dimanche !

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  9. […] avoir découvert l’avis de Marie-Luce sur ce livre qu’elle a lu dans le cadre du African-American History Month Challenge, je me […]

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  10. […] du petit bac, ni de mise à jour de Do you speak manga 2024) et d’autres se sont ajoutés (African-American History Month Challenge, le mois du British mysteries). Ce printemps, je compte bien avancer là-dessus quelque peu, et pas […]

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