Tranche de Miaougraphie colorée de nostalgie pré-Clément
Pendant que j’étais à Vancouver, l’hiver a tiré sa révérence et un nouveau printemps a vu le jour suivant le passage de l’équinoxe. Oui, je sais, il y a encore du froid, de la neige, et des tempêtes au Québec, mais ça fait partie du printemps dans ce coin du monde : la gadoue, la neige mouillante, le grésil, les derniers gels, etc. Après tout, c’est ce qui nous permet de profiter du temps des sucres, ce moment de transition s’étirant quelques jours ou quelques semaines entre l’hiver et le printemps. Les érables à sucre et les érables rouges (communément appelées plaines au Québec) coulent plus en abondance lorsque les nuits sont froides, qu’un tapis de neige recouvre leurs racines et que le soleil pointe son nez en oblique. J’adore le temps des sucres ! Ma famille a déjà possédé une cabane à sucre et une érablière il y a de cela plusieurs années. Je connais bien le plaisir de chauffer le poêle sur lequel repose les pannes remplies d’eau d’érable bouillonnante se transformant progressivement en réduit, puis en délicieux sirop d’érable, d’humer ces effluves de terre, de bois et de sucre d’érable, de tester le sirop d’érable direct du robinet sortant de la panne. Que de doux souvenirs !

Clément n’a jamais pris part à ces expériences typiques du temps des sucres, mais il en a connu une version simplifiée au moins une dizaine de fois. Comme les occasions s’offrant à moi de profiter d’une cabane à sucre ont varié beaucoup depuis ma jeunesse et la vente du domaine familial, j’ai plusieurs fois tenté de recréer une partie de l’expérience dans ma cuisine. Jamais à partir d’eau d’érable malheureusement. Si vous ne savez pas, ça prend environ 40 litres d’eau d’érable pour faire un litre de sirop d’érable ! Il me faudrait beaucoup de ces petites bouteilles d’eau d’érable qui sont commercialisés depuis quelques années pour obtenir une quantité minime de sirop.
À la place, j’utilise du sirop d’érable acheté pour le transformer en un de ses dérivés direct, mes favoris étant la tire sur neige et le beurre d’érable. Pour la tire sur neige, je suis une puriste et j’utilise toujours de la neige fraîche (ou congelée fraîchement tombée). C’est facile de reproduire cette expérience de cabane à sucre. Nul besoin de vérifier la température de cuisson du sirop au thermomètre. Une fois qu’il a épaissi quelque peu, il suffit de tester sa consistance sur la neige en laissant tomber un mince filet. Si la neige absorbe la majorité du sirop, celui-ci n’a pas cuit assez longtemps. J’en ai peut-être fait quatre à cinq fois dans la maison avec Clément. Comme le sirop est versé à une température élevée, autour des 112-115 degrés Celsius, il fallait le surveiller pour s’assurer qu’il ne puisse monter sur la table pendant la procédure, ou même sur une chaise. Pour le beurre d’érable, c’était moins délicat puisque toutes les manipulations avaient lieu sur le four ou sur le comptoir, relativement hors de son atteinte. J’en ai fait quatre-cinq fois aussi, toutefois la dernière fois commence à dater… En fait, j’ai brisé le moteur d’une de mes mixettes à main en brassant la mixture lors de mon avant-dernière tentative. Maintenant, j’ai un robot culinaire, mais j’ai peur de le briser. Je n’ai donc pas osé tester avec celui-ci. Pourtant, je raffole du beurre d’érable. J’en mange sur du pain, rôti ou non, ou carrément à la cuillère. En passant, voici la recette que j’utilisais comme référence pour le beurre d’érable. Je l’ai toutefois toujours fait 100 % sirop d’érable, avec du plus ou moins vieux.
Une des choses que j’adore, en plus de savourer le résultat, que ce soit de la tire ou du beurre, c’est l’odeur qui embaume la maison durant la cuisson. Cette odeur me ramène toujours dans la cabane à sucre de ma jeunesse. Je pense que cette odeur devient bien plaire à notre vieux chaton aussi, car, voyez-vous, Clément avait une dent sucrée. Oui, oui, je vous jure ! Il aimait lécher le fond de nos assiettes lorsque nous avions déjeuné aux crêpes couvertes de sirop d’érable, même s’il n’y avait pas de miettes de crêpes restantes (je comprennais son intérêt pour les crêpes à base d’oeufs et de lait principalement). Il ne fallait pas laisser nos assiettes traînées si elles étaient collantes de sirop. À ma connaissance, c’est la seule forme de sucre pur que Clément affectionnait et l’un des seuls aliments hautement sucrés, avec le lait, qui l’intéressait invariablement. Je n’ai pas de souvenir en photo du temps des sucres à la maison avec Clément, alors, je vous inclus en image un exemple de crêpes couvertes de sirop d’érable qui alléchaient Clément. Cette pîle a d’ailleurs été mitonnée en 2019. Je ne me souviens pas spécifiquement de cette préparation, néanmoins, je ne doute pas que bébé chat rôdait pas très loin de la cuisine…

Je pense que Clément aurait vraiment apprécié des oeufs, du bacon, du jambon, cuits dans le sirop d’érable ou qu’il se serait pourlécher les babines devant des bols de crème glacée servis avec coulis de sirop d’érable. Surtout, je me dis qu’il aurait adoré l’expérience complète d’une cabane à sucre, pas celles ouvertes au public où on produit peu ou pas de sirop d’érable comme elles sont plutôt un restaurant-buffet. Je parle de celles comme dans mon enfance, commerciale et familiale, avec les sheds à bois* où il aurait pu grimper jusqu’au plafond par moment et aurait sans doute débusqué les petits rongeurs qui aiment s’y réfugier. Celles où l’odeur du bois et de la terre se mélangent à celle de l’eau d’érable se concentrant de plus en plus. Peut-être est-ce d’ailleurs le résidu de ces odeurs et expériences condensés dans le produit final qui lui rendait le sirop d’érable si alléchant, surtout que selon les derniéres connaissances scientifiques, les chats ne seraient pas dotés de capteur de goût pour le sucré. Ce serait donc l’odeur qui les attire vers des aliments en haute teneur de sucre. Pas que tous les chats ont le même intérêt pour les aliments sucrés, du moins, j’imagine. Je ne connais pas de près les goûts de la plupart des chats et ne peux me prononcer sur le sujet. Connaissez-vous des chats avec une dent sucrée ?
Apparemment qu’il faut surveiller nos petits félins puisqu’ils peuvent développer une forme de diabète. J’ai appris cela vers la fin de vie de Clément, pas que nous soupçonnons qu’il en était atteint, seulement en faisant quelques recherches sur les problèmes de santé chez les chats âgés, j’ai lu un peu sur le sujet.
Si ça vous donne envie de tenter une mini-expérience du temps des sucres à la maison, sachez que le sirop d’érable monte rapidement et énormément quand il se met à bouillir, prévoyez donc un chaudron profond (à fond épais de préférence) du genre que votre quantité de liquide ne dépasse pas la moitié (et même mieux si le niveau est en-dessous de la moitié) et surveillez la cuisson de près. Clément a connu quelques marées sucrées durant son temps et il vous dirait sûrement que l’odeur caramélisé tirant sur carbonisé est plutôt âcre et déplaisante… sans compter que ce n’est pas facile à nettoyer lorsque les coulées de lave d’érable sont épaisses. Je me rappelle d’une fois entre autres où ça avait tellement débordé. J’avais encore un four avec serpentins à l’époque et la masse sucrée s’était propagée sur presque toute la surface se trouvant sous les ronds… Bref, j’espère que mon expérience vous évitera un désastre.
Voila, je suis bien de retour à la maison et au boulot. Je vais reprendre mon rythme tranquillement. Le long week-end de Pâques devrait m’aider bien que je n’ai que vendredi de congé. Peut-être serait-ce l’occasion de faire bouillir un peu de sirop d’érable ? J’ai de la neige de l’hiver dernier dans le congélateur encore… J’ai déjà eu une petite expérience du temps des sucres au début du mois de mars en goûtant le sirop d’érable frais bouilli par ma soeur aînée. Elle n’a pas d’érablière, seulement quelques érables sur son terrain qu’elle a entaillées et dont elle récolte la sève à la chaudière. Cependant, elle l’avait bouilli la veille, donc, je n’ai pas pu profiter de l’odeur embaumant sa maison ni goûter un brin d’eau d’érable, ses érables n’ayant pas coulé entre son dernier ramassage et ma visite. C’est vrai, je ne l’ai pas mentionné au début, mais une des choses qui me manquent le plus de l’époque de l’érablière familiale, c’est de pouvoir boire autant d’eau d’érable que je voulais. C’est un goût unique et qui varie aussi seulement la composition du sol et le type d’érable dominant. Je ne rate pas une occasion d’en laper quelques gouttes lorsque je le peux. Quand j’y songe, Clément aurait probablement bien apprécié cette eau aux arômes boisées et minérales, lui aussi…
Sur ce, je vous souhaite un bon temps des sucres. Profitez-en pour vous sucrer le bec, comme on dit par che’ nous.
*Shed à bois : anglicisme québécois signifiant abri à bois extérieur simplement.




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