Défi culturel/Lectorchat croisant mon deuil en cours
Ce printemps, je me suis concoctée une petite sélection de livres parmi ceux trônant dans ma Pile à lire (PAL), incluant plusieurs qui y traînaient depuis un bon moment, sur le thème du voyage dans le temps et de la temporalité. J’avais prévu regrouper une telle sélection depuis un bail. En fait, Clément était encore en vie quand j’y ai songé au départ, c’est tout dire ! Cependant, je n’arrivais jamais à la caser ou je n’avais pas envie de l’aborder quand j’en avais l’occasion, et je repoussais donc sans cesse cette thématique jusqu’à ce printemps. En commençant enfin mes lectures me transportant sur différentes lignes de temps, j’ai entraperçu possiblement pourquoi j’ai pris autant de temps à me décider à l’aborder, surtout après la mort de Clément. C’est étrange que ça ne me soit pas venu en tête en préparant la liste… Le fait est que dans les premiers temps de mon deuil, j’ai souhaité à plusieurs reprises pouvoir remonter dans le temps, revenir en arrière à l’époque pas si lointaine où Clément respirait encore, gambadait innocemment dans l’appartement, et nous jetait ses regards en biais entre mépris et indifférence que j’affectionne tant (autant que ses doux plissements des yeux). Rarement ai-je autant eu envie (besoin carrément) de revivre ce qui a été. Pas pour tenter de changer le passé, juste pour bénéficier à nouveau, ne serait-ce que pour un instant de sa présence à mes côtés… mais bon, à moins que vous saviez quelque chose que je ne sais pas, le voyage dans le temps demeure une théorie plus fantaisiste qu’atteignable et j’ai bien dû me rendre à l’évidence que le souhaiter ne me ferait pas trébucher sur une brèche dans l’espace-temps. Lire sur le sujet m’a rappelé ces réflexions endeuillées.
Je vous ai mis un lien vers une animation qui résume assez bien cela, quoi que pour moi, mon désir de voyager dans le temps était plus une question de voler quelques moments supplémentaires et pas de retourner au commencement. Cette vidéo provient d’un webcomic que j’aime beaucoup et qui par ailleurs m’a apporté beaucoup de réconfort depuis plus d’un an, Dinosaur Couch (d’ailleurs mentionné dans mes premières sources de réconfort). Le lien ci-dessous devrait faire commencer la vidéo au moment pertinent, vous pouvez visionner l’ensemble si vous le souhaitez, c’est très bon. Je vous rassure, ce désir de remonter le cours du temps s’est progressivement estompé pour faire place à mon envie de profiter du moment présent en l’honneur de mon petit roi ainsi qu’à ma capacité à revivre en mots et en traits des fragments de notre passé auprès de lui.
Bref, tout ce préambule pour dire que ce thème, bien que profondément ancré dans le genre des imaginaires, est lié d’une étrange façon avec le deuil que je vis depuis la mort de Clément et je pense que c’est pour cela qu’en 2023, il m’a été plus facile de mettre de côté ce thème que je pensais pourtant aborder durant l’année. Sans plus attendre, je vous présente ce que j’ai lu en lien avec le voyage dans le temps récemment. Je ne vous ferai pas un retour pour chacun des titres, surtout que ça commence à dater bien que j’ai terminé le dernier dans la liste il y a moins d’une semaine. L’avant-dernière lecture avant cela date de la fin de juin. Disons que le temps est plus élastique que ma mémoire. Je vous présente tout de même un petit retour sur quelques-uns des titres de cette liste qui m’ont particulièrement marqué. Plusieurs de ces titres me permettent de valider des catégories pour le Challenge du Petit Bac d’Enna (je m’y mets enfin, j’ai d’ailleurs mis à jour deux de mes billets de cette année dans lesquels j’ai partagé des mini-chroniques en lien avec ce challenge – premier retour en parallèle et DYSM spécial mois du Japon). Je me rends compte que j’avais glissé quelques mots sur plusieurs de ces lectures dans mes réponses au Mid Year Book Freak Out Tag. Il était temps que je revienne un peu plus en détails sur celles-ci.

- La femme aux semelles de temps d’Élisabeth Vonarburg (avis ci-dessous)
- 13 Doctors 13 stories de Naomi Alderman et al. (avis ci-dessous)
- Before the coffee gets cold de Toshikazu Kawaguchi (avis ci-dessous)
- The Moth Keeper de Kay O’Neill (avis à venir)
- Entre les ombres d’Arnaud Boutle (avis à venir)
- Nos temps contraires tome 2-3 de Gin Toriko (série dont je vous ai brièvement parlé ici)
- The Time Traveler’s Wife d’Audrey Niffenegger (avis à venir)
- Ne ramenez jamais une fille du futur de Nathalie Stragier
- Afternoon of the Elves de Janet Taylor Lisle
- The Time Machine and Other Stories d’H. G. Wells
- Presque minuit d’Anthony Yno Combrexelle

La femme aux semelles de temps
Avec ce titre, je valide pour le Challenge du Petit Bac d’Enna la catégorie Objet (Semelles).
Je remarque en dressant cette liste que plusieurs des ouvrages ont en commun d’être des recueil de nouvelles et de courts récits, d’une façon directe ou indirecte. C’est le cas du plus récent ouvrage publié par Élisabeth Vonarburg, une autrice de science-fiction québécoise que j’affectionne énormément. La copie que j’ai est d’ailleurs dédicacée, j’ai rencontré l’autrice lors du Salon international du livre de Québec en 2023. Certaines des nouvelles de ce recueil ont été publiées ailleurs dans le passé, au moins une ou deux étaient inédites. Pour moi, c’était entièrement nouveau, comme je n’ai pas l’habitude de lire des revues de création littéraire, quoi que j’adore le format court. J’ai apprécié chacune des histoires, bien que le thème du temps n’y soit au final peu représenté ou pas de la façon dont je m’attendais, sachant comment l’autrice sait manier et remanier les tropes de la science-fiction. Ainsi, plutôt que de voyage dans le temps, il est surtout question de la relativité du temps.
Les différentes nouvelles assemblent un mélange de genres dont l’uchronie, l’anticipation, la dystopie et la fantasy. Ayant lu de nombreux romans de l’autrice, j’ai perçu des liens avec d’autres de ses univers, comme Tyrannael et Les voyageurs malgré eux. Je pense que ses courtes histoires nourrissent ses plus longues, et vice et versa. Cela étant dit, m’est avis que ce recueil peut être une belle première incursion dans l’univers riche et imaginatif d’Élisabeth Vonarburg. Je n’ai pas de photo du livre, ne le cherchez pas dans la photo ci-dessus. Je l’ai prêté à ma mère et je n’ai pas pris mes photos avant. Cependant, j’avais pris une courte vidéo ce printemps, quand j’ai commencé à le lire. Alors, le voilà !
13 Doctors 13 Stories
Avec ce titre, je valide pour le Challenge du Petit Bac d’Enna la catégorie Chiffre/Nombre (13).
Dans cette anthologie, différents auteurs nous racontent chacun l’histoire d’un des treize Docteurs (avant la venue du quinzième (et de la regénération du 14e qui est en fait le même que le 10e)) de la franchise qu’on n’a plus trop besoin de présenter, je pense, Doctor Who. Ayant eu l’occasion dans les dernières années de visionner de nombreux épisodes de la série classique de Doctor Who et ayant vu au moins quelques épisodes mettant en scène chacun des docteurs de la renaissance de la série au début des années 2000s, j’avais une bonne base pour m’immerger dans ce recueil que j’ai trouvé très réussi. La plupart des auteurs ont traduit dans leurs mots le ton, les mimiques et particularités de leur docteur attitré, de leurs compagnons de voyage et des antagonistes iconiques de la série. Les histoires sont variées, comme dans la série ; il y a des mondes extraterrestres, des histoires terrestres, à travers différentes périodes. On retrouve des noms et des lieux connus, comme les Cybermen et les Daleks.
Parmi les auteurs, on peut noter Neil Gaiman, Eoin Colfer et Holly Black ; des Anglais, quelques Américains et Irlandais, une certaine diversité, mais pas de parité, puisque quatre femmes sont représentées contre neuf hommes dans les auteurs, je n’ai pas compilé pour les compagnons des docteurs. Et pour les docteurs, la situation est bien connue… Cet ouvrage plaira avant tout aux fans de la série. Néanmoins, je pense qu’une personne connaissant peu le Who-niverse serait en mesure d’apprécier la plupart des histoires en soi. C’est le privilège d’une série d’exploration spatio-temporelle vraiment représentative du genre, il est possible d’y entrer à tout moment et à tout point de l’histoire, ou presque. Cela étant dit, chaque histoire est plutôt campé dans une période et un lieu précis, ce qui minimise un peu l’effet « voyage spatio-temporel », ce qui en fait ressemble pas mal à la série télévisée où l’effet se fait plutôt sentir par l’accumulation d’histoires à travers les épisodes ainsi que les superpositions et croisements de lignes de temps à travers chaque saison.
Sauf que, dans le recueil, cet effet cumulatif est moins prépondérant, puisque chaque histoire se veut plus un instantané de la ligne de temps de chacun des treize docteurs, présentant leur singularité, plutôt que leurs similitudes. C’est un peu le propre du concept, qui est sans doute magnifié par le fait que chaque histoire est écrit par un auteur différent. Bien que la lecture en soi ne m’a nullement déçu, je m’attendais à y ressentir un peu plus l’impression de se déplacer dans l’espace et dans le temps. Si les deux recueils ci-dessus n’ont pas livré tout à fait ce que j’espérais en termes de d’exploration temporelle, le prochain livre dont je vous parle a été plus convaincant à ce niveau. Des lectures récentes sur le thème du voyage dans le temps et de la temporalité, ce dernier est sans doute mon préféré parmi celles-ci.
Before the Coffee Gets Cold
Avec ce titre, je valide pour le Challenge du Petit Bac d’Enna la catégorie Adjectif (Cold/Froid).
Touchant, émouvant, vibrant, à la fois réconfortant et dérangeant, Before the Coffee Gets Cold m’a presque fait regretté de ne pas l’avoir lu plus tôt (acheté en 2022, colis reçu en présence de mon petit roi félin). Néanmoins, je pense que le moment où je l’ai lu, le printemps dernier, ne pouvait mieux convenir à cette lecture qui m’a remué le cœur. Au lieu d’un seul récit, c’est une collection d’épisodes avec un fil conducteur : le lieu où ça se déroule, ainsi que les propriétaires et employés du lieu qui jouent un rôle dans chaque épisode, même si ce n’est qu’en filigrane par moment. Ce lieu est un café dans un sous-sol au centre-ville de Tokyo, le Funiculi Funicula, où si on s’assoit à une chaise particulière à une table spécifique et qu’on ait servi un café spécial, on peut remonter le temps. Sauf qu’on retourne dans le temps sans changer d’espace et on ne peut quitter la chaise sur laquelle on est assis. Ainsi, si on veut retrouver quelqu’un dans le passé, il faut qu’elle ait fréquenté ce café pour pouvoir la croiser. Il y a quelques autres règles qui sont expliquées tout au long du récit, avec un rappel des premières règles à chaque nouveau voyage, ce qui peut paraître redondant à ceux qui ont une excellente mémoire. J’avoue que ça a été le cas pour moi, mais ça ne m’a pas gâché mon plaisir de lecture.
Dans ce premier tome de cette série, car il y a plusieurs autres collections d’histoires du même auteur dans le même cadre, différentes thématiques sont traitées dont la maladie dégénérative, le poids de l’héritage filial et des attentes parentales, le deuil, les relations romantiques. J’ai pleuré à chaque histoire, de chaudes larmes qui m’ont fait du bien, parce qu’à travers les traumatismes, les obstacles, les peurs et les doutes, une lumière transperce chaque histoire. Avec les règles de ce café singulier, le voyage dans le temps ne permet pas de corriger le passé, ni d’empêcher un événement de survenir, mais il permet aux voyageurs le temps d’une pause-café d’appréhender le présent autrement en obtenant une nouvelle perspective sur le passé, ou le futur. Le côté dramatique prononcé de chaque épisode éloigne ce livre du pur « feel-good », mais sa lecture m’a tout de même laissé un énorme sentiment de mieux-être parce que chaque épisode m’a rappelé que nous pouvons influencer comment les drames que nous vivons nous définissent. Si nous n’avons pas le moyen d’aller et de venir dans le temps comme bon nous semble physiquement, la mémoire est une voie qui peut nous permettre de voyager dans le temps pour y puiser de nouvelles perspectives sur les événements passés et présents. Et pour le futur, l’imagination peut jouer ce rôle…
J’aimerais suivre ce coup de cœur d’un autre, mais je dois dire que dans ma liste, il y a une quasi déception que je ne veux pas escamoter. Toutefois, cela attendra à la deuxième partie, car comme cela devient un peu long et que je souhaite revenir sur quelques titres de plus, je scinde mes retours en deux parties. La deuxième partie est bien avancée, mais j’ai d’autres sujets que je souhaite aborder sur la Miaougraphie de Clément aussi. J’essaierai de ne pas vous faire attendre longtemps pour la suite, question de ne pas trop étirer votre mémoire à ses limites !
En attendant la suite, dites-moi tout. Est-ce que c’est un thème que vous avez déjà exploré en lecture de votre côré ? Avez-vous des suggestions de titres qui vous ont marqué sur le sujet du temps et des voyages spatio-temporels ? Si vous avez lu les livres ci-dessus, n’hésitez pas à m’en glisser un mot.




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