Deuil en cours transmuté en Agenda ironique d’octobre
Je ne pensais pas participer deux mois de suite au défi de l’Agenda ironique, et pourtant me voilà. Surtout, je ne pensais pas lier les thèmes de l’Agenda ironique deux fois de suite aux sujets habituels de mon blog, et pourtant le voici, et le sujet porte sur le deuil cette fois-ci.
Laurence de Palette d’expression, qui organise le défi du mois d’octobre, nous a convié à rêver l’heure, en insérant quatre vers de William Blake et si possible, d’y caser le nom dame d’onze heures.
Les vers :
« Voir le monde dans un grain de sable
Et le paradis dans une fleur sauvage
Tenir l’infini dans le creux de sa main
Et l’éternité dans une heure. »
Quand j’ai pondu la mouture du petit texte ci-dessous, je ne pensais pas à l’Agenda ironique. Je ne savais pas par où commencer pour aborder mes pensées le 12 octobre dernier et j’ai juste laissé couler mes doigts sur le clavier. Puis, je me suis rendue compte en cours d’exercice que le thème du temps y était très présent et que le style fragmenté se prêtait à l’ambiance d’un rêve, fiévreux je vous l’accorde. J’ai ensuite ajusté un peu pour insérer les vers, que je n’avais pas du tout en tête durant le premier jet (la dame d’onze heures y était déjà). Et voilà le résultat !
Désolée, c’est un peu sombre. Le but de cet exercice d’écriture quasi-automatique était justement d’illuminer les recoins de mes pensées les plus lourdes.
Il y avait une phrase ou deux dont je voulais vraiment me rappeler hier soir en m’endormant. Une phrase en lien avec toi, mon Clément, et je l’oublie. Si je laisse filer mes pensées, peut-être pourrais-je les rattraper…
Combien de fois doit-on dire au revoir ? À combien de choses du quotidien doit-on dire au revoir ?
La mélancolie me guette ces temps-ci. Elle n’est jamais très loin. Doucereuse, elle se glisse dans les fissures. Elle recouvre mes bras frissonnants. Elle m’enlace sans pitié.
Des fragments… tout plein de petits morceaux qui me transpercent par moment. Des tas de brindilles dans lesquelles je m’enfarge par-ci par-là. Plus le temps passe, plus mes idées éclatent. Je peine à les rassembler en un tout cohérent.
Alors, je détortille et tortillonne le trombones, pour former boucles, noeuds et courbes s’apparentant à mon état agité.
Il est rare que je me laisse aller à écrire sans point focal clair, exercice pourtant bénéfique.
Je n’écris pas assez souvent à mon goût, je tiens le rythme comme je peux. Quelques fois par semaine, je prends d’assaut mon clavier, ma main parcourt la page blanche, virtuelle ou réelle, et je m’élance d’un sujet à un autre, explorant un thème après l’autre, une heure à la fois.
Il y a peu d’ordre dans mes émotions. Une paix intérieure déchirée par un chagrin qui pèse toujours lourd sur mon coeur. Un rien réveille la tempête qui sommeille. Je ne peux me résoudre à tout balancer par-dessus le bastingage. D’un moment à l’autre, je tangue d’un côté ou de l’autre.
Comprenez-vous où j’en viens.
Libérer les phrases. Aérer les mots. Barricader les paragraphes. Escalader les pages. Écrire pour voir le monde dans un grain de sable. Jongler les mots pour ne pas se laisser entraîner par le branle universel de la danse macabre.
Transformer l’écriture en un véhicule d’expropriation de la douleur, en un applicateur de douceur.
Voyez-vous, j’en cherche encore le sens. Pourquoi Clément est-il mort maintenant ? Maintenant étant maintes fois passés depuis.
Aboutir. Abrutir. Aboutir. Embouter. Abrutir. Abriter. Embouter. Abriter. Le chaos.
Je pédale souvent dans le vide. Ça n’avance pas vite. Aussi bien dire que le néant m’a dépassé plus d’une fois dans la course contre le temps.
La vie d’un chat est aussi brève que la floraison d’une dame de onze heures. Et pourtant, l’éternité dans une heure féline se trouve.
Comment exprimer tout ce qui me manque depuis que Clément n’est plus. Une chanson bouscule les larmes. Une couverture avive l’absence. Une pénurie de thon abasourdit le deuil. Une peluche en cavale ponctue le chagrin.
Et des pleurs jaillissent encore de mon coeur. Et des questions bourdonnent toujours dans mon esprit. Et je m’ennuie des heures inoccupées du début de la nouvelle ère. Elles sont bien loin. Plus je m’occupe, plus elles s’éloignent. Plus la distance me sépare de cette période, plus la présence vivace de notre fieffé roi s’amenuise.
Elle est bien pâle, l’aura résistante de Clément.
Pourquoi ?
Quand on accepte que la mort est absurde, cela ne revient-il pas à admettre l’absurdité de toute existence ? Je vis pour nourrir la vie après moi qui nourrira la vie après elle qui nourrira la vie qui suivra cette dernière qui nourrira la vie jusqu’à l’implosion de la panse cosmique.
Comment peut-on faire face à la finalité ? Si je suis devant elle, n’en deviens-je pas la continuité ?
Si seulement je savais où me poser.
Où arrêter un délire cent fois vécus en si peu de mois.
Je tiens l’infini dans le creux de ma main. Je suis dans l’impasse – incapable de boucler la boucle.
Je suis infinie.
Se dégourdir les doigts sur quelques lignes. Et malgré l’effort, les expressions que j’ai marqués mentalement la veille ne me sont pas revenues. Je n’ai cueili qu’un brin d’absurdité, et le paradis dans une fleur sauvage.
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